Mon Frère #16

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Extrait du cahier n°4 ; « La guérison par la foi, Partie II » :


La maison de F est un joli foutoir. Son père est un collectionneur obsessionnel. Des choses comme des enregistrements, des encyclopédies, des bibelots qui existaient avant même qu'on soit nés, des choses inutiles, des masques de Halloween, des décorations de Noël, des restes de feu d'artifice du nouvel an, des détritus de la pop culture. Il ne jette rien.

Heureusement il est riche (de ce que je sais) et vit dans une grande et vieille maison avec des statues dans le jardin qui ressemblent à des créatures sorties d'une peinture de Bosch, une piscine toujours vide, des barreaux métalliques qui couvrent les fenêtres déjà cachées par des vignes. Elle est spacieuse et vide, elle est à côté d'un terrain qui était une école avant les années 80. La première fois que j'y suis allée, j'ai dû demander à un agent où c'était. Je lui ai donné l'adresse, et il m'a dit que la maison n'existait pas. Une demi-heure de marche plus tard, je l'ai trouvée.

J'étais à ma deuxième année d'université, je m'ennuyais et j'en voulais à mes parents de m'avoir fait choisir ce parcours, alors toutes les semaines je séchais de plus en plus. Ça me rappelait le lycée (comme plein d'autres choses). Il y avait des policiers qui faisaient des rondes dans le quartier et des femmes au foyer sortaient leur chien en survêtement. Les autres travaillaient, étudiaient ou faisaient quelque chose d'utile. Le temps était gris.

Ouvrir le portail était difficile. Je me suis dit que j'aurais pu tout aussi bien m'arrêter et voir l'œuf de mes propres yeux. Je suis rentrée dans le salon pour le trouver avec X.

Ils écoutaient une vieille cassette que je n'ai pas reconnue et se faisaient face, assis en tailleur, regardant fixement une boîte en carton posée entre eux deux avec une lampe au-dessus. J'ai deviné ce qu'il y avait à l'intérieur. Quand j'ai salué X, il ne m'a pas répondu ; il n'avait probablement pas encore remarqué ma présence, ce dont j'avais l'habitude ; F était cordial comme à l'accoutumée. Il a dit que X avait eu un autre souci avec son frère et qu'il resterait ici pendant un petit moment. Je me suis demandée ce que cette dernière partie signifiait exactement.

Je me suis baissée et ai regardé dans la boîte, me sentant un peu de trop entre eux deux. Nous étions seuls dans la maison. Son père était parti prétendument au « travail » (il était du genre qui pouvait ne jamais aller à son bureau et se contenter de regarder ses mails pour le restant de sa vie). Il y avait juste quelques chants d'oiseaux stridents pour nous interrompre. J'ai tendu la main pour prendre l'œuf mais X m'a arrêtée. La teinte était un peu trop terne pour un œuf de poule, il était un peu plus gros et plus elliptique. J'ai posé un doigt doucement dessus : il était très, très chaud.

Après une minute ou deux à être assis là, F m'a expliqué que l'œuf n'avait pas bougé depuis qu'il l'avait reçu, il y a trois jours, à la réunion des Nouveaux Patriciens. Il ne connaissait rien à l'incubation, mais il se débrouillait plutôt bien. F a une très haute opinion de lui-même. X l'a interrompu pour dire de son ton charmant, que l'œuf était important et crucial pour quelque chose, et il venait souvent ici pour le surveiller et être sûr qu'il se développait bien. Je ne sais pas si je devais le croire ou pas.

« On peut prouver qu'il y a un lien ».

« On peut montrer aux autres que ces gens sont liés au groupe, au groupe qui a pris la maison de E ».

Il touchait à un sujet sensible.

« Ce n'était pas son père dans une espèce d'association caritative ? » a demandé F.

X a dit que non. Il nous a assuré que le Clan n'était pas seulement une association de charité, ou un club d'hommes riches, et encore moins une organisation New Age comme les Patriciens étaient supposés être. C'était infiniment plus que ça.

𝕻𝖆𝖓𝖉𝖊𝖒𝖔𝖓𝖎𝖚𝖒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant