Une fille. Sa fille.

110 8 0
                                    


La nuit dernière, j'ai été réveillée par les pleurs d'un enfant. J'ai descendu les escaliers et j'ai fourré un bâillon dans sa bouche.


___________________________________________________________



« Mais, que fais-tu là? »

Alors que John sortait les poubelles de son appartement, comme chaque semaine, il aperçut une petite fille d'environ cinq ans accroupie dans la ruelle en face de son immeuble. Il s'approcha d'elle tout doucement, comme on approche un chat inconnu qui hésite entre s'enfuir et vous renifler la main. La petite fille pleurait. John se pencha vers elle et lui demanda une nouvelle fois ce qu'elle faisait à cet endroit.

« Je... je dois pas parler aux inconnus. »

« Je me présente: je m'appelle John. J'habite dans l'immeuble en face. Et toi? »

La petite fille hésita. Certes, il venait de se présenter, mais comment pouvait-elle avoir confiance en lui?

« Je... je m'appelle Sarah. »

« C'est un joli prénom! Mais que fais-tu ici? »

La petite fille en larmes lui expliqua, après quelques instants d'hésitation, que son père avait tué sa mère alors qu'elle avait deux ans. Il avait été jugé fou et enfermé dans un asile. Depuis, elle vivait dans un orphelinat où elle se faisait maltraiter quotidiennement. Elle avait réussi à s'échapper, mais à présent, elle errait dans les rues à la recherche d'un endroit où loger.

« Je... je ne sais pas quoi faire... »

« Viens avec moi. Je pense que tu dois avoir faim. Tu es toute maigre! »

La jeune Sarah n'avait rien à perdre et le suivit dans son immeuble, mais restait tout de même en retrait, prête à décamper s'il le fallait. Arrivés au troisième étage, John sortit ses clefs de sa poche et déverrouilla la porte 25.

« Je te préviens, c'est pas très propre. »

Il ouvrit la porte, et Sarah vécu le plus bel instant de sa courte vie. Elle venait de découvrir un endroit où elle serait à l'abri des horreurs de l'orphelinat.

« Vas-y, entre! »

Elle se précipita dans l'habitat, féerique à ses yeux, et se pressa pour visiter les lieux. Des dizaines de jeux et jouets étaient empilés dans le salon, côtoyant de moelleux fauteuils et de beaux meubles en bois vernis. C'était certes, mal rangé, mais cela ne la dérangeait guère.

Elle se jeta dans le canapé du salon et se mit à sourire. C'était le paradis! La gentillesse de John, sa bienveillance et son sourire à fossettes la réconfortaient et la rassuraient naturellement.

« Ça te plaît? »

« Oh que oui! »

« Si tu veux, tu peux rester ici... Tu n'as qu'à dire oui quand il le faudra! »

Le sourire de John était si réconfortant qu'une seule réponse était possible.

« OUI!!!! »

Cinq années s'écoulèrent. Un amour infaillible naquit et perdura entre le père adoptif et la fille. Sarah avait été inscrite dans une école et John avait trouvé un travail chez un épicier.

En sortant de son dernier cours de la journée, Sarah dit au revoir à ses amies et prit la direction de l'appartement. Elle grimpa les marches deux par deux, comme à son habitude, et parvenue devant sa porte, inséra la clé dans la serrure. En rentrant, elle cria:

"Papa! Je suis rentrée!"

Pas de réponse. 

"Il doit encore être au boulot, ou coincé dans un bouchon..." pensa-t-elle. 

Elle posa ses affaires dans le salon et constata que la pièce était mal rangée.

"Il aurait pu ranger au moins... 'Fin bon, c'est pas bien grave."
Sarah mit quelques habits sales dans la machine à laver et s'installa dans sa chambre pour faire ses devoirs. Elle avait quelques difficultés au niveau des matières touchant de près ou de loin aux maths, mais elle gardait une moyenne stable et correcte.

Elle était plongée dans ses révisions, quand elle entendit la porte s'ouvrir et claquer violemment. Elle sursauta.

"Papa? C'est toi?"

"Cache-toi chérie! Il arrive!!"

"Qui?"

"CACHE-TOI!!!"

Sarah s'exécuta, le cœur battant, envahie par une inexplicable angoisse. Elle s'enferma dans son armoire et attendit, ne sachant que penser. Pendant ce temps, John cherchait une arme, quoi que ce soit dont il pourrait se servir pour se défendre. Il s'équipa d'un gros couteau de cuisine et attendit.
Après quelques secondes, la porte d'entrée subit des coups de marteau. John était effrayé, Sarah aussi.
La porte céda sous la force des coups de l'agresseur. Et John vit l'homme armé lui faisant face. Un géant chauve, portant une veste maculée de sang, le regard fou, brandissait le marteau. Il frappa violemment du pied le pauvre père adoptif qui s'écroula sur le sol. Il voulut se relever, mais il était paralysé par la peur. Le fou s'approcha de sa victime et commença à la frapper violemment.
Sarah pouvait entendre les cris de douleur de son John. Elle serrait les dents, les yeux fermés souffrant en imaginant tout ce que son père adoptif subissait.
Les cris finirent par s'estomper. Elle comprit. Ses larmes ruisselèrent sur ses joues.

"Mon bichon? Je suis rentré!"

Elle savait qui était cet homme.

"Alors, pourquoi tu ne viens pas me voir?"

Comment avait-t-il fait pour s'échapper? Cette question lui tordait l'esprit.

"Et bien quoi? Tu as peur car j'ai, en quelque sorte, corrigé ton erreur en suivant cet homme qui prétendait être ton père?"

Elle entendit des pas dans le couloir. Elle savait que c'était la fin.

"Je peux te comprendre... Moi aussi j'ai fait des erreurs dans ma vie... Je me suis marié... J'AI EU UN ENFANT!!!"

Elle entendit sa lampe de chevet se fracasser contre le mur. Elle tentait à tout prix d'être silencieuse mais elle savait que c'était trop tard...

"Mais ne t'inquiète pas... Tout va bien se passer... Et tu sais pourquoi?"

Elle vit la main de l'horrible personnage saisir la porte de l'armoire et l'ouvrir violemment, laissant paraître son visage monstrueux.

"PARCE QUE PAPA EST LÀ !"

𝕻𝖆𝖓𝖉𝖊𝖒𝖔𝖓𝖎𝖚𝖒Where stories live. Discover now