Le Gibier

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Mon père n'était pas si mauvais. Mais je préférais quand même ma mère. En y repensant, je l'avais peut-être un peu trop cuit.

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Il faisait nuit. Et une pluie battante frappait contre les carreaux. Les éléments étaient déchaînés ce soir de pleine lune, alors que tout était paisible à peine deux heures auparavant...

La maison dans la forêt était éclairée. Une famille se trouvait à l'intérieur, la mère et ses deux enfants mâles. Ils attendaient que la tempête passe, le bruit des gouttes martelant le toit dans un fracas digne d'un titan.

Les enfants étaient effrayés... La mère vint les consoler, leur disant que dès le lendemain, toutes leurs peurs disparaîtraient...

C'était sans compter l'arrivée d'un homme... Vêtu d'un long imperméable noir et portant un sac sur son épaule, il s'approcha de l'habitation illuminée d'une vive lumière réconfortante pour les membres de la famille, mais qui ne pouvait les protéger face au danger qui arrivait à leur porte...

L'homme s'approcha de la maison, saisit la poignée de la porte, l'ouvrit entièrement, et entonna de sa voix grave:

-Chérie, je suis rentré !

Le père, chasseur, rapportait un magnifique cerf qui passait par là. La femme, folle d'inquiétude, se jeta dans ses bras, suivie par les enfants.

La créature était belle... Tellement que la famille décida de la découper pour la déguster dès le lendemain. Ils laissèrent donc l'animal dans le salon, comme une sorte de trophée, et allèrent se coucher après que le mari eut avalé sa délicieuse soupe aux tomates.

C'est dans le calme inquiétant que la créature posée sur la table se réveilla... Elle mit ses quatre pattes sur le sol et examina les alentours pour évaluer la situation... Après quelques secondes, elle comprit ce qui lui était arrivé : elle avait été tuée par un homme sans scrupules et s'apprêtait à être dévorée... Cette idée répugna l'animal... Et une idée lui traversa l'esprit : faire connaître le même sort au chasseur !

Le cerf grimpa l'escalier le plus délicatement du monde. Même si celui-ci grinçait sous ses pas, il ne réveilla aucun des membres de la petite famille.

Arrivé devant la chambre des parents, il entrouvrit la porte afin de savoir si l'une des armes du tueur s'y trouvait... Ce qui était le cas.

Le cerf établit alors son plan d'action et, après quelques minutes, referma la porte, tant bien que mal en silence, pour attendre le moment où il serait prêt...

Le père de famille, endormi, rêvait que sa chance perdurait des semaines entières, allant jusqu'à ramener trois daims, dix lapins et un castor... Cette vision lui plaisait : il partait le matin, habillé d'un costume qui le dissimulait dans les bois, armé de son fusil et d'un couteau de boucher, « au cas où », se disait-il à chaque fois. Il partait la journée dans la forêt, parfois pendant des heures, jusqu'au moment où un animal croise sa route. Et le soir, il rentrait manger un festin, récompense d'une telle journée d'effort, autour de sa famille... Il aimait sa vie telle qu'elle était ! Il se disait qu'il allait apprendre à ses fils l'art de chasser, un jour peut-être... Il sourit dans son sommeil, sourire qui ne dura pas...

Le cerf enfonça la porte dans un vacarme assourdissant, ce qui réveilla toute la famille. Il fonça, les bois en avant, vers le père. Ce dernier esquiva de justesse. Le lit partit en miettes. Heureusement, la femme avait réussi à en sortir.

L'animal recula et s'orienta vers l'homme, paniqué. Il battit du sabot et chargea une nouvelle fois. Le chasseur n'y survécut pas... Il était à présent empalé sur les bois de la créature folle. Cependant, elle n'était satisfaite pour autant : il fallait qu'ils meurent tous!

Le cerf se retourna : personne. La femme s'était enfuie en pleurant son mari. La bête se jeta alors sur les enfants, une chambre plus loin, et les frappa à coups de pattes sur un mur jusqu'à ce que mort s'ensuive...

Même si la femme n'était plus là, le cerf était satisfait... Il avait vaincu son tueur et détruit ce qui lui était cher...

Ne croyez jamais que, dès qu'un être meurt, c'est toujours définitif... Il se passe parfois des miracles que même la mort n'a pu prévoir...

𝕻𝖆𝖓𝖉𝖊𝖒𝖔𝖓𝖎𝖚𝖒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant