Évite Moi, si tu peux... (Terminée)

Ethan:"Radioactive"

Je roule à pleine vitesse en direction de l'entrepôt. Je suis complètement obnubilé par le fait de savoir comment elle va, et ce qu'il a bien pu lui faire.

Je sais que le plus dur pour moi sera de m'arrêter si je tombe face à lui, de maîtriser la colère qui m'anime en cet instant précis, de ne pas lui exploser la tête sur le sol en béton.

Il m'est arrivé de trainer avec Julian, on a fait quelques soirées ensemble là-bas. C'est même moi qui lui ai fait connaître cet endroit.

A l'époque, j'y allais pour boire et pour me battre, entre deux courses de motos. Il y avait des bookmakers parfois pour pimenter les combats. J'étais bon là-dedans. J'ai même eu mon heure de gloire là-bas. Je n'ai jamais fait ça pour l'argent, juste pour l'adrénaline. Pour me confronter à d'autres mecs, pour donner des coups, pour savoir de quoi j'étais capable. Animé par ce sentiment d'invulnérabilité, celui qui fait qu'on est plus fort parce qu'on ne ressent pas la peur, ce sont les autres qui avaient peur de moi.

J'étais un gros fêtard, j'ai fumé un peu tout ce qu'il y avait à fumer et je buvais jusqu'à atteindre mon seuil de tolérance, flirtant parfois avec le coma éthylique.

Quand j'ai rencontré Julian, il était aussi fêtard que moi. On avait écumé une bonne partie des bars du quartier avec une bande de potes que nous avons en commun, et un soir, je l'ai emmené à l'entrepôt pour changer des bars en ville.

J'ai tout de suite su que j'avais fait une connerie. Lui, il y allait dans un tout autre état d'esprit. Julian était un des plus violents qu'il m'ait été donné de voir. Même une fois l'adversaire au sol, il continuait de le frapper juste pour le plaisir, pour le voir saigner, pour le faire souffrir. Il y prenait un plaisir sadique. Dans ces combats illégaux où les règles n'existent pas, il nous reste un minimum d'honneur quand l'adversaire est KO, et gît au sol. Mais pas pour lui, pas pour Julian, il n'a jamais su se battre à la loyale.

Ça a failli coûter la vie à un mec une fois, depuis les combats ont presque disparu là-bas.
Puis, j'ai commencé à enseigner à la fac en préparant mon doctorat. Le travail a pris le dessus. Je me contentais de virées en moto pour satisfaire mes pulsions de colère, mon besoin de sensations.

Julian s'est toujours positionné en rival par rapport à moi. On s'est souvent provoqué pour les filles, juste pour le jeu. Rien de plus. Ça ne comptait ni pour lui, ni pour moi. On aimait les défis.

Et alors que je fréquentais de moins en moins ce lieu, Julian, s'est mis à y aller régulièrement.
Il a redoublé deux fois à cause de ses conneries, il a tout fait foiré. Il était promu à une carrière brillante dans les sciences météorologiques, maintenant, il ne sait plus trop quoi faire...
Heureusement pour lui, il a des parents richissimes qui lui passent tous ses caprices de surfeur.
D'ailleurs, il a eu des difficultés pour s'intégrer à cette communauté, il a bien caché son jeu.
Je suis persuadé que son ami Mathew ne le connait pas comme moi je le connais. D'ailleurs, personne ne le connait comme moi je le connais.
C'est pour ça que je me suis peu à peu éloigné de lui.

Mais avec Elsy, tout a changé. Il l'a rencontrée par hasard, il l'a approchée, c'est vrai qu'elle attire les regards. Elle est sublime mais pas prétentieuse.
Le genre de fille qui ignore à quel point elle peut rendre fous les mecs. Julian a dû percevoir que je la regardais différemment des autres.

Il a certainement voulu revivre cette époque, pimenter la chose en se mettant dans la course contre moi.
Il a bien failli réussir, et elle est sortie avec lui. Mais pour qu'il l'emmène là-bas, il s'est passé quelque chose...

Je reconnais l'allée qui mène à l'entrepôt. Elle est exactement fidèle au souvenir que j'en ai.

Ca y est, j'arrive enfin, rien n'a changé. Je vois la voiture de Julian.
Je lutte contre l'envie furieuse que j'ai de fracasser le pare brise de son 4x4 en passant, mais je préfère garder mes forces, au cas où.

La musique est toujours à fond, et les hauts parleurs crachent le son de la chanson "Radioactive" faisant vibrer les basses au passage.

Je n'ai plus qu'une envie à présent: la prendre dans mes bras, la sortir de là.