Troublée

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Quand je l'ai vu, j'ai ressenti un tel soulagement. Je sais qu'il est venu pour moi. Pour me sauver de Julian. Je sais qu'il ressent quelque chose pour moi. Je sais que je compte pour lui.

Quand on s'embrasse, il y a à chaque fois, ce petit quelque chose qui fait la différence. Cette sensation que je ne peux expliquer. Nous sommes liés par une alchimie indescriptible, et cela m'attire autant que cela me fait peur.

Ma main dans la sienne, nous rejoignons sa moto, il me passe son casque et m'aide à l'attacher, tout en dégageant une petite mèche de cheveux qui revenait sur mon visage. Puis, il prend soin de refermer sa veste que je porte toujours sur mon dos. Il est en t-shirt blanc, la pluie commence déjà à le tremper, laissant entrevoir des tatouages sur les épaules et le dos. Jusqu'à présent, je n'y avais pas prêté attention. Ca lui donne un côté encore plus mystérieux.

J'ai peur qu'il ait froid mais il ne veut rien savoir. Je lui caresse la joue, il doit avoir mal, il a un énorme bleu près de l'arcade. Il me fait signe d'un hochement de tête, agrémenté d'un sourire timide que tout va bien.

Il prend soin de moi, et le voir attentionné comme cela me trouble.

Je monte derrière lui et quand il allume le moteur, je passe mes bras autour de sa taille, il en profite pour m'attraper les mains et resserrer d'avantage mon étreinte autour de lui.

Je me sens en sécurité avec lui, mais des questions subsistent. Je ne sais toujours pas comment il m'a trouvée, comment connaissait-il l'entrepôt? 

J'ai été impressionnée de le voir se battre. Il n'en est pas à son coup d'essai c'est certain.

Que me cache-t-il?

Il roule. La vitesse, le vent qui fouette mes habits, cette sensation d'être derrière lui, tout cela chasse peu à peu ces pensées obscures.
Je me sens bien là, avec lui, à cet instant précis, je donnerai tout pour que ce moment reste intact et dure le plus longtemps possible.

Nous roulons un bon moment, puis nous arrivons à la cité universitaire. Il me laisse descendre la première de la moto. Puis descend à son tour. Il m'aide à détacher le casque, me prend la main et nous courrons nous mettre à l'abris.

Il pleut toujours autant et il m'entraine en courant vers une coursive abritée.

- J'ai eu peur Elsy. Tellement peur. J'aurai pu le tuer si ton regard ne m'avait pas dit d'arrêter. Tu te rends compte?

Je ne dis rien. Je prends conscience de la gravité de la situation. S'il avait tué Julian, tout aurait pu basculer en une seconde.

- Comment as tu fais pour me retrouver?

- Je venais te voir, et Julie a reçu ton texto. Je savais où c'était,  j'ai compris qu'il se passait quelque chose de grave.

Mille questions se bousculent dans ma tête. Mais je ne peux pas tout lui demander maintenant. Je décide d'en choisir une. Une seule.

- Tu venais faire quoi à l'appartement? De toutes les questions, je ne sais pas pourquoi j'ai choisi celle-là. Sur le moment, c'est ce qui m'intriguait le plus.

A ma question, il sourit, la pertinence de mon choix doit l'interpeller.

- Je venais te voir.

- Pourquoi? ma voix est pleine d'incompréhension, de doutes

- C'est dur à dire... Elsy... Je ...

Il s'interrompt.

- Dis le Ethan. Ma voix est ferme. Ca ne va pas recommencer comme par le passé, des doutes, des hésitations. Non, c'est hors de question.

Il prend une inspiration lente et bruyante.
- Je ne veux plus être séparé de toi Elsy.
J'ai mis un moment à le comprendre, mais j'étais venu te parler.
Sur la route, menant à l'entrepôt, les minutes me semblaient des heures, et j'ai compris que j'étais plus inquiet pour toi que pour ma propre vie.
C'est dingue. On se connaît à peine, mais je sens ce lien. Je l'ai senti tout de suite. Au premier contact j'ai su que tout était différent.
J'ai voulu te le dire, mais j'en étais incapable et je n'avais pas envie de ressentir cela. Ressentir quelque chose pour quelqu'un, c'est être fragile, c'est ouvrir une brèche vers l'inconnu. Je ne voulais pas revivre cela et j'ai essayé d'occulter mes sentiments.
Mais plus le temps passait, plus je me suis dit que je préférais souffrir s'il le fallait plutôt que de ne rien ressentir. Avec toi, je suis jaloux, je doute, je connais la peur, mais je me sens vivant. L'idée de te savoir auprès d'un autre me rend dingue. Les dernières semaines sans te voir ont été un enfer.
Si tu ne ressens pas cela, je le respecterai et je m'en irai. Tu n'as qu'un mot à dire. Je respecterai ton choix.

Je ne suis plus en mesure de prononcer le moindre son. C'est la plus belle et la plus effrayante des déclarations qu'on m'ait jamais faite.

Je prends conscience de l'impact de ma réponse. Moi aussi, je ressens des choses pour lui, c'est différent de tout ce que j'ai pu ressentir par le passé, mais cela me fait peur. Il me fait peur. C'est presque un engagement solennel qu'il attend, vais-je être capable de lui donner cela?

Il a vécu, il est expérimenté, moi je suis juste en première année de fac. On m'a dit que ce sont les plus belles années et qu'il fallait que j'en profite au maximum. Que je ne retrouverai jamais ces années d'insouciance,  et pourtant, j'ai l'impression que cette relation, que j'ai espéré va m'entrainer dans quelque chose de profondément sérieux.

J'ai l'impression que sur mes épaules pèse une énorme responsabilité. Il mise tout sur moi... Et s'il se trompait?



Évite Moi, si tu peux... (Terminée) Where stories live. Discover now