Un aller simple

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Je suis rentrée sonnée à l'appart. Julie a tout de suite compris que ça n'allait pas. Je lui ai expliqué tout ce que j'ai vu, Lisa, Ethan qui la tenait par la taille, elle accrochée à son cou.

Comment je les ai regardés rentrer dans son immeuble, cachée à l'angle d'un bâtiment voisin. La clef de son appartement que je serrais entre mes doigts engourdis, le moment où j'ai glissé la clef si chère à ses yeux, et aux miens, dans sa boîte aux lettres.
Mon hésitation à faire cela. Mon envie de frapper à sa porte pour le mettre devant le fait accompli.

Il m'avait toujours dit que jamais il n'avait donné sa clef à une fille et il a insisté pour que je la garde. C'est fini. Je suis épuisée par ces derniers mois et tout ce qui m'est arrivé.

Julie est étonnée, elle me demande si je suis bien certaine d'avoir vu ce que j'ai vu. S'il ne peut pas y avoir une explication.
Mais je ne suis pas en capacité de me poser cette question pour le moment. Je veux juste partir pour ne pas devenir dingue.
Quitter la capitale quelques jours. Souffler loin de tout et de tout le monde.

Ce soir il y a la soirée de Manon, mais c'est trop pour moi, Julie le comprend et le respecte, je lui demande d'excuser mon absence.

Je vais rentrer chez moi quelques temps. Ma mère comprendra.
Cette parenthèse loin de tout ça, loin de lui est vitale pour moi.

- Je vais couper mon téléphone une fois sur place dis-je à Julie.

- Je comprends, prends le temps qu'il faudra.  Me répondit-elle, l'air triste, le visage défait.

- Tu ne m'en voudras pas si je ne te réponds pas? Si je ne suis pas joignable? Je crois que ma mère a prévu d'aller passer deux semaines en montagne, dans son chalet. C'est isolé, mais cela va me faire du bien. Elle m'avait proposé de la rejoindre mais je n'avais pas voulu la dernière fois à cause de tout ce travail qu'il y a à faire pour la fac. Mais là; je m'en fiche, je dois me retrouver, de toute façon je n'arrive plus à bosser.

- Ne t'en fais pas pour ça. Reviens juste en pleine forme. Son ton est réconfortant comme toujours.

Pendant que je lui parle, je sèche mes larmes et j'ai eu le temps de remplir une valise, presque sans m'en être rendue compte. Le prochain train est dans 45 minutes. Si je me dépêche, je pourrais certainement l'attraper.

Je boucle tout ça, j'ai à peine le temps d'embrasser Julie que je me retrouve déjà sur le chemin de la gare.
Je prends le téléphone et en profite pour appeler ma mère qui se fait une joie de me voir débarquer à l'improviste. Elle a compris que quelque chose n'allait pas mais elle n'a pas insisté pour en savoir plus. Elle a compris que ce n'était pas le moment pour moi d'en parler.

Puis, je coupe mon téléphone, mais juste avant de l'éteindre, je remarque deux appels en absence. C'est lui. Mon cœur se serre un instant comme dans un étau, je meurs d'envie d'écouter son message et en même temps, c'est au-dessus de mes forces. Je lance ma messagerie et au moment où l'automate vocal m'indique que j'ai reçu un message venant de lui, je le supprime machinalement sans l'écouter. Ca me fait un petit pincement mais c'est mieux ainsi.

Je suis sur le quai, pile avant le départ du train, je me saisis de mon bagage et le hisse à bord du train. Une jeune homme m'aide à le placer en hauteur. Il tente de me faire la conversation, mais je n'en ai vraiment pas envie.  Je le remercie poliment et je prends place à côté d'une dame âgée, histoire d'avoir la paix.

Je mets mes écouteurs. Le train démarre et dans mes oreilles, le son de Hozier "Take me to Church" résonne lentement. Je me laisser bercer par le mouvement du train au contact des rails et pour la première fois depuis longtemps, je m'autorise à m'endormir un moment au calme.

Le trajet va durer près de quatre heures, dormir me permet non seulement de récupérer mais aussi de ne pas penser. Et ça me fait le plus grand bien. Ne pas penser.

Quand j'ouvre enfin les yeux, je peux apercevoir des champs de coquelicot défiler à une vitesse remarquable, le train devrait bientôt arriver à quai.

Je me réveille, me rafraichie un peu, c'est bien la première fois que j'ai pu dormir à ce point lors d'un trajet. D'habitude, cela me semble toujours interminable.

Je me lève pour préparer mon bagage avant l'arrêt du train, et je ne suis pas la seule à avoir eu cette idée. Quelle sensation désagréable que celle d'être debout et d'attendre dans les couloirs du train que tout le monde récupère sa valise... une sorte de mal des transports s'empare de moi, tant et si bien que je dois me poser quelques instants sur un des fauteuils de l'allée centrale.

Ca y est le train a ralenti jusqu'à s'être totalement arrêté. Je descends les deux marches en métal qui me séparent du quai.
Une fois le pied posé au sol je respire enfin.
Je suis rentrée chez moi.
Je regarde mon ticket de train: c'est un aller simple...

Évite Moi, si tu peux... (Terminée) Where stories live. Discover now