Un mois plus tard

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Ça va bientôt faire un mois. Un mois que je suis partie et que je me suis coupée de tout, de lui, des autres, de cette vie toxique.
Je passe mes journées seule ou avec ma mère. Je me rapproche de la nature et ça me fait du bien.

En arrivant, ma mère a voulu me questionner sur ce qui s'était passé, mais on a vite convenu que nous n'aborderions le sujet qu'une fois que je me sentirai prête pour cela.
Je passe des journées à marcher dehors, à fouler la terre rocailleuse de la montagne de mon enfance.

Parfois je me couche par terre et je ferme les yeux. Je peux alors ressentir la brise frôler mon visage, je m'imprègne de l'odeur de l'herbe mouillée par la rosée matinale,  j'entends des bruits lointains et je laisse mon imagination divaguer. Je lâche prise pour la première fois depuis bien longtemps.
Je regarde les nuages et mon esprit dessine des motifs improbables dans le ciel.

Chaque jour ou presque, je prends avec moi un bon livre, j'escalade un gros rocher, souvent le même d'ailleurs, je m'installe à ma place, enveloppée dans mon épais sweat gris, je regarde le soleil se coucher, teintant le ciel de nuances roses, jaunes ou orangées.

Je prends alors une respiration profonde, comme si c'était la dernière. Je reste assise là une poignée de minutes. Je croyais que mon isolement me permettrait d'avoir des réponses, mais je me trompais. Cela me permet juste d'éviter de trop penser.

J'ai repoussé au maximum l'échéance pour la fac. L'année se termine et je dois passer mes examens.
Après, je ne sais toujours pas ce que je vais faire.
J'hésite à partir en échange erasmus dans une Université d'Europe, ou trouver un boulot et redescendre en province, ou... je ne sais pas trop. Je ne sais plus.

Demain je suis censée rentrer et j'appréhende énormément.
C'est bizarre, en même temps je meurs d'envie de voir Ethan et en même temps, je suis incapable de prévoir quelle sera ma réaction face à lui.

Je ne veux pas réduire à néant le bénéfice de mon éloignement ici.

-Elsy? Tu as préparé tes affaires pour demain? A quelle heure est ton train? Me demanda ma mère.

- Neuf heures. C'est à neuf heures maman. Mais je me demandais si je n'allais pas rester un peu... Je crois que je pourrai peut-être repousser mon départ à plus tard.  Je pourrais peut-être même passer directement les rattrapages...hésitais-je.

- Assieds-toi Elsy. M'ordonna-t-elle.

Sans broncher je m'exécute et viens m'assoir à côté d'elle.

- Ma fille, tu vas prendre tes affaires, relever la tête, prendre ce fichu train et aller passer tes examens. Tu ne vas pas juste les passer, tu vas les obtenir. Tu es une battante, tu vas y arriver. Et seulement après, tu choisiras ce que tu veux faire. Mais la différence fondamentale, c'est que ce sera ton choix, et non un résultat imposé par peur de l'échec.  Je ne sais pas ce qui a bien pu se passer là-haut pour que tu craignes à ce point d'y retourner, mais crois-moi Elsy, tu as plus de force que cela. Tu dois vivre ta vie, ma fille, seule ou non, personne, ni rien, ne vaut la peine que tu te détruises ou que tu t'isoles à ce point. Alors pense à toi, à ce que tu veux, à ce que tu aimes et fais tout ce qui est en tout pouvoir pour y arriver, pour l'obtenir. Une histoire d'amour? Des études? Un travail? Toute ta vie tu vas devoir te battre et faire des choix, alors ne tarde pas. C'est pas simple de grandir, mais fais-toi confiance et tu verras que tu es capable d'accomplir de grandes choses. Surtout, promets moi une chose, Elsy, c'est de ne pas vivre dans le regret. Tu peux essayer, te planter, échouer, mais au moins, tu l'auras fait. C'est ça qui compte le plus. Ne pas regretter. Vivre. Vivre ta vie.

Sans broncher, j'acquiesce face à la détermination de ma mère. Elle m'a épatée en me parlant de la sorte, et je sais qu'elle a raison. Elle a gardé le silence un mois entier et il aura fallu un seul échange pour qu'elle me révèle ce que je savais déjà, sans arriver à mettre des mots dessus. Nous nous serrons dans les bras l'une de l'autre et je ressens enfin de la légèreté.

Qu'est ce que je veux? Vraiment? Je ne crois pas m'être déjà posé la question...
Oui, je veux finir mon année, j'ai des lacunes, des carences, mais je suis encore capable d'y arriver. Après tout, j'ai toujours travaillé à l'adrénaline du stress. Je peux le faire. Ensuite, même si ça me fait peur, c'est vivre quelque chose avec Ethan que je veux. Et même si tout n'est pas toujours tout rose, je pense que je m'y habituerai. Et si ça ne marche pas, et bien j'aurai essayé.

Il s'est passé un mois depuis mon départ, et j'ignore complètement ce qui s'est passé pendant cette période, pendant mon retrait ici. Et tandis que je plie mes habits pour en remplir mes bagages, je m'efforce de ne pas penser à tous les moments que j'ai pu ne pas partager avec Julie, Ethan et les autres.  Je m'efforce de ne pas trop imaginer comment va se passer mon retour à la vie parisienne. Je décide d'écouter les conseils de ma mère. Vivre ma vie, vivre au présent.

Demain, c'est décidé, je rentre.

Évite Moi, si tu peux... (Terminée) Where stories live. Discover now