Le retour

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Samedi, quatorze heures quarante-cinq. J'arrive enfin chez moi. Quand je glisse la clef dans la serrure, je découvre contre toute attente la sensation d'être de retour à la maison.

J'aime cette idée. Jusqu'à présent, je ne me sentais vraiment chez moi que dans la maison familiale, mais là, c'est différent. C'est un tout autre sentiment, je suis vraiment "chez moi".

Il me tarde de serrer Julie dans mes bras, elle va être surprise. Aussitôt, sans déballer ma valise, je me couche habillée sur mon lit, je me sens bien.

- Elsy? Tu es rentrée? Cria la voix de Julie depuis la salle de bains.

- Ça y est ma Julie, je suis là. Je suis de retour.

Aussitôt, je vis débarquer ma meilleure amie, vêtue d'une serviette de bain, cheveux mouillés, et elle me sauta dans les bras en m'embrassant.

- Mon Dieu, ce que tu as pu me manquer Elsy. C'est bon de te voir. Me murmura- t-elle en m'analysant de la tête aux pieds. Tu as maigris non?

- Pas que je sache, mais ce n'est pas important. Tu m'as tellement manquée aussi! Comment vas-tu? Raconte-moi plutôt ce que j'ai manqué ces dernières semaines. La suppliai-je.

- Oh... soupira-t-elle. Par où commencer. Je ne sais pas. Il s'est passé tellement de choses en ton absence.

Puis, elle se lança dans un monologue dont elle seule avait le secret. Elle m'expliqua longuement son idylle avec Mathew, la fac, les soirées.. Mais rien sur ce que j'attendais le plus. Aucune information sur Ethan.

Je rigolais, puis m'interrogeais, la questionnais à mon tour sur tel ou tel sujet qu'elle venait d'évoquer. Mais la question d'Ethan me brûlait les lèvres.

- Et Ethan? Tu l'as vu à la fac?

Elle baissa les yeux. Je ressenti alors une gêne anormale que nous n'avions jamais eue auparavant. Je renouvelais ma question sans attendre.

- Oui, je l'ai vu.

- Et? Relevai-je.

- Il est venu le jour de ton départ. Il voulait te parler absolument. Te retrouver. Il est même parti pour te chercher en province, mais je crois qu'il a dû faire demi-tour.

- A ma recherche? Sérieusement? Pourquoi ai-je l'impression que tu ne me dis pas tout Julie?

- Il est revenu sur Paris pour Lisa, tu sais? Son ex...

- Oui, je sais qui est Lisa, c'est en partie à cause d'elle que je suis partie, si tu te souviens bien? Je ne comprends pas pourquoi tu prends tous ces détours. Lui expliquai-je un peu plus froidement qu'à mon habitude.

- Tu sais, Elsy, le fameux matin de ton départ, quand tu les as vu, ils ne sortaient pas ensemble. Il la ramenait juste chez lui parce qu'elle a tenté de faire une connerie.

- Une connerie? C'est à dire...? Relevai-je.

- Oui, elle a essayé de prendre des cachets, mais il l'a empêchée à temps. Elle l'aimait et elle n'a pas supporté votre relation d'après ses explications...

Puis il est venu ici. Il voulait te voir, il n'a pas compris que tu sois parti alors qu'il t'avait laissé l'espace dont tu avais besoin. Il a trouvé ta clef dans sa boîte aux lettres, il avait l'air brisé et il voulait comprendre. J'ai essayé de lui expliquer à mon tour ce que tu avais vu, ressenti... Il a alors décidé de venir te chercher, de te retrouver pour tout t'expliquer. Avec ton téléphone coupé, je n'ai pas pu te prévenir... Je suis désolée Elsy...

- Je suis abasourdie. Avouai-je.

- Et ce n'est pas tout... poursuivit-elle.

Mon regard inquiet se fit d'avantage interrogateur, mon cœur se serra dans ma poitrine et je senti alors cette pression désagréable et angoissante que j'avais réussi à dominer pendant mon séjour à la montagne.

- Je n'ai pas revu Ethan, sauf une fois pour le dernier cours, mais ça a beaucoup fait parler à la fac. Il se dit qu'Ethan a dû revenir en urgence à Paris pour se rendre au chevet de Lisa. Qu'elle a fait une autre tentative et qu'elle a failli y rester. Ethan a été dévasté. Lisa n'est pas revenue pour ses cours à la fac. Elle a été internée d'après les rumeurs... m'expliqua- t-elle

- Il faut que je voie Ethan. On doit parler. Expliquai-je, tout en préparant mes affaires. Je crois que je lui dois des excuses... j'ai jugé toute cette situation un peu trop vite. Je me suis fourvoyée.

- Tu es au courant pour Barcelone? m'interrogea-t-elle.

- Barcelone? Relevai-je.

- Le mieux, c'est encore qu'il t'explique. Il nous a expliqué ça lors du dernier cours. Se justifia-t-elle.

- Tu m'en as trop dit ou pas assez là, Julie...

- Vas-y, c'est encore le mieux, essaie de le voir. Je crois qu'il vous faut parler de tout ça avant que... s'interrompit-elle. Bref, vas-y.

J'embrassai Julie une dernière fois avant de filer en direction de l'appartement d'Ethan. Avec un peu de chance, il sera chez lui, je pourrai alors lui parler, m'excuser. On verra où tout ça nous mènera. Pendant le trajet je repensais à tout ça. A ce matin-là, à lui, moi, nous et Lisa.

Barcelone, que voulait-elle dire, Avait-il prévu de s'y rendre pour les vacances? Pour tout l'été après les examens?

Mon pas s'accéléra autant que mes pulsations cardiaques à l'approche de son logement, tandis que des flashs me revenaient concernant Ethan, son odeur, son regard d'un vert profond, la chaleur de sa peau, notre nuit, nos promesses.

Par chance, au moment où j'arrivai la porte d'entrée fût légèrement entrouverte. Cela me permit d'accéder directement aux appartements et à sa porte d'entrée. Je frappai à la porte, je me sentais terriblement oppressée.

- Vas-y! Entre Marc! Tu n'es pas en avance, on a du pain sur la planche. Cria-t-il du fond de l'appartement.

Je m'approchai alors timidement vers lui. Il ne me voyait pas, de dos et accroupi, occupé à plier des affaires. Sa seule présence suffit à me perturber au plus haut point. C'est alors que je vis l'appartement ravagé. Je pensai tout de suite à un cambriolage, mais c'était bien pire. Je ne reconnaissais presque plus rien.
Il y a avait des cartons et des affaires partout. Il préparait un déménagement. Il allait partir.

Je trébuchai sur une pile de livres posés au sol, desquels une feuille volante s'échappa. Je me baissai pour la ramasser et reconnu tout de suite mon écriture. C'était le poème que je lui avais écrit. Mon poème, ma déclaration.

Il se retourna alors brusquement tout en se relevant. Nos regards se fixèrent l'un dans l'autre, avec étonnement et interrogation. Il avait l'air stupéfait et ce moment me sembla suspendu dans le temps. Je ne savais plus que faire, ni comment réagir.

Il resta interdit un moment, m'observant comme s'il me découvrait pour la première fois.












Évite Moi, si tu peux... (Terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant