CHAPITRE 2

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Les trois mois qui suivirent cet aveu furent les plus durs de toute ma vie. Entre la saisie de la maison, la recherche d'un nouveau chez nous et mon diplôme de fin d'études, tout est allé très vite ... beaucoup trop vite.

C'est un samedi, deux semaines avant les grandes vacances d'été, que l'huissier est venu chez nous pour saisir tous les biens que nous possédions. Et, c'est le vendredi suivant que nous quittions la maison où j'ai grandi.

Assise dans la voiture, je jette un dernier regard à cette grande bâtisse qui pendant plus de dix-huit ans, a accueilli mes rires, recueilli mes larmes, assisté à mes premiers pas et supporté mon espièglerie. La gorge serrée et le cœur lourd, je m'efforce de ne pas pleurer quand cette dernière ressemble à un point insignifiant à l'horizon. Mon passé devient lointain, chacun de mes souvenirs s'égrènent dans un sablier sans fond. Tout ce qui faisait ma vie, vient d'être balayé en quelques jours seulement, pourtant il me faudra des mois pour m'en remettre. Je ferme les yeux, tout en ordonnant à ma mémoire de ne rien oublier de ce qui fut mes dix-huit années d'existence.

— Voilà, nous y sommes ! lance mon père en retirant la clé du contact.

Garés devant notre nouvelle maison, ma mère, ma sœur et moi, observons d'un œil indécis ce que va devenir notre foyer. Cette bâtisse est un taudis, comparée à notre ancienne demeure ! Construite en parpaing, le crépi est défraîchi et les volets rongés par l'usure. Nous avons cependant un jardinet, mais qui semble à l'abandon depuis longtemps. Le grillage qui nous sert de clôture est altéré par la rouille, sans parler du portillon en bois qui menace de s'écrouler à tout moment, mais bon, rendons-nous à l'évidence, nous avons quand même un toit sur la tête !

Un bref tour d'horizon nous permet de constater que l'ensemble du voisinage ne dépareille pas. Les maisons, toutes collées les unes aux autres, sont dans le même état. Nous sommes entourés d'imposants bâtiments de plusieurs étages qui nous cachent du soleil. L'endroit ne se veut pas rassurant. Normal, quand on vit dans les bas quartiers de L.A !

J'examine les alentours avec appréhension, avant de prendre une profonde inspiration et de décharger les cartons de la remorque en compagnie de ma famille. En silence, nous emménageons.

Tous les meubles que nous possédons à présent sont des dons de nos anciens voisins et amis, que mon père est venu installer une semaine plus tôt. Ma nouvelle chambre est terne, un papier peint vieilli rose pâle recouvre les murs. De toute évidence, c'était la chambre d'une petite fille. Je déballe mes affaires en un temps record, vu le peu de vêtements qu'il me reste. Je range mes livres sur une étagère, et à défaut d'en avoir une autre, je place une pile de livres par terre devant ma fenêtre. Je pose ma lampe sur mon bureau, je fais mon lit et accroche quelques photos ici et là pour cacher les trous de l'ancien locataire. Cette chambre n'a rien à voir avec l'ancienne, mais bizarrement, je m'y sens bien.

Cette première nuit fut agitée, entre les accélérations de voitures, les vrombissements de motos, la musique festive en fond. Par chance, la fatigue a pris le dessus jusqu'à six heures trente, où le brouhaha des camions bennes dans la ruelle m'a réveillée en sursaut.

Apparemment, ce matin est difficile pour tous, vu les visages fatigués de ma famille. Mes parents et ma sœur sont en train de s'affairer dans la cuisine, en essayant de s'accoutumer à notre nouvelle pièce à vivre. Pas facile de ne pas se marcher les uns sur les autres dans ce minuscule espace !

— J'ai une très bonne nouvelle, explique mon père en s'attablant pour déjeuner. J'ai trouvé du travail. Un ancien partenaire a besoin d'un superviseur sur une de ses plates-formes. L'inconvénient, c'est que je dois m'absenter quatre jours par semaine, mais le salaire reste convenable et je ne suis pas en mesure de refuser une telle offre.

SantanaWhere stories live. Discover now