Santana

CHAPITRE 37

La tension est à son comble. Tout le monde est au courant de l'enjeu de ce soir. La nouvelle s'est répandue comme une trainée de poudre, électrisant toute personne sur son passage. Une excitation générale émane de chaque groupe qui m'entoure, et je suis au centre de toutes les conversations.

« Un pari lancé pour offrir un cadeau hors de prix pour la petite amie de Sony, quelle chance ! »

Samantha a déserté. Sûrement pour s'isoler afin de calmer la crise de nerfs, dont elle nous a fait cadeau tout à l'heure. Un comportement bizarre, que j'ai du mal à comprendre. Qu'elle se fasse du souci à cause de la course et de sa dangerosité, passe encore, mais de là à se mettre dans un état pareil, c'est quand même démesuré. Peut-être a-t-elle peur que l'enjeu d'un tel pari fasse croître l'animosité des deux adversaires. Pour sûr, une défaite pour l'un comme pour l'autre, entrainera forcément une rancœur sans nom. Mais au point où ils en sont, l'amertume me semble déjà être à son maximum.

Pour ma part, j'ai appris à vivre à cent à l'heure depuis que Sony est entrée dans ma vie. Je connais ses limites et il connaît les miennes. En aucun cas il ne prendra de risques qui pourraient mettre nos vies en périls. Nous inclure dans cette course n'était peut-être pas une mauvaise idée. Premièrement, ils rouleront moins vite. Deuxièmement, je vais participer à une expérience inédite et complètement folle.

De son côté, Sony affiche déjà un sourire de vainqueur. Les gens de notre équipe semblent confiants, comme si la finalité de cette course était une évidence, une fatalité. Comment ces personnes réagiront s'il perd ? Mais surtout, comment Sony va réagir s'il perd ? D'ailleurs, a-t-il déjà été battu ? Il n'aura plus de voiture et plus de cadeau pour mon anniversaire. J'espère qu'il acceptera la défaite et qu'il ne m'en voudra pas.

— Bébé, ça ne va pas ? demande Sony inquiet de me voir songeuse.

— Comment vas-tu réagir si tu perds ? Est-ce que tu m'en voudras ? Sam a raison, c'est un pari débile.

— Princesse, tout ça n'est que matériel. De toute façon, si je perds cette voiture, elle retournera à son ancien propriétaire et ça s'arrêtera là !

— Tu m'as dit que ta voiture était ton moyen d'évasion.

— C'était vrai avant. Maintenant je t'ai toi ! C'est toi et uniquement toi, mon moyen d'évasion ! La Pontiac n'est qu'un morceau de tôle. Après tout. Je suis garagiste, je pourrais m'en refaire une à l'occasion.

Les passions peuvent être passagères, éphémères. D'autres durables, intrusives, maladives, addictives. Une activité passionnelle, qu'elle soit matérielle, sportive, ou autre, reste une lubie qui ne remplacera jamais la passion de l'amour, ce sentiment puissant qui rend obsolète n'importe quel loisir. Pour Sony c'était la Pontiac, à présent, c'est seulement moi.

— Bon ok, de toute façon je n'ai plus le choix, le pari est lancé.

— Exactement ! Tu es prête ? Car la prochaine course c'est la nôtre, dit-il en souriant.

Je ne suis pas sûre d'être à la hauteur d'une telle course. Comment dois-je me comporter dans l'habitacle ? Dois-je encourager Sony ou ne rien dire et fermer les yeux comme une peureuse ? Dois-je lui servir de copilote en lui indiquant la route ? Trop de questions se bousculent dans mon cerveau et me rendent nerveuse.

Afin de chasser mon anxiété, je fais le vide dans mon esprit et m'installe côté passager. Mes yeux se baladent sur la foule qui fourmille autour de la voiture et qui me regarde comme si j'étais une bête de foire. Par chance, Jazz et Gabrielle arrivent à ma rescousse en se penchant sur ma vitre.