Chapitre 11

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— Bonjour ma chérie, tu as du mal à immerger ? demande ma mère en posant une tasse vide devant moi.

J'hoche la tête péniblement en me frottant les yeux, puis je me laisse tomber lassement sur la chaise de la cuisine.

— Café ? dit-elle en m'offrant un de ses plus beau sourire.

— S'il te plait.

Ma mère semble ravie de comprendre que ma soirée m'a épuisée d'une bonne manière ; nouvelle vie, nouveaux amis, faire la fête et ce, sans aucune déprime à l'horizon comme Jeanne par exemple, qui devient peu à peu aphasique et pour le peu qu'elle raconte, elle en est sarcastique. Moi, je suis un caméléon qui se fond dans la masse et qui s'adapte volontiers à son nouvel environnement.

— Alors, comment c'est passée ta soirée ?

Elle s'installe face à moi tout en nous servant nos mugs à ras bord puis elle prend le sien à deux mains avant de souffler dessus et d'attendre un récit détaillé de ma soirée. Cette histoire, elle l'attend depuis longtemps et non pas depuis son réveil, non ! Elle l'attend depuis deux ans déjà. Sylvia Heaton est le style de mère à vouloir être une confidente, une personne de confiance et plus que tout, une maman/meilleure amie. Carrément être le journal intime de ses filles. Malheureusement pour elle, Jane est très discrète sur sa vie privée et dans la mienne, il ne se passait jamais rien jusqu'à hier soir. Cependant, bien que j'aie envie de me livrer à quelqu'un, ce n'est pas envers ma mère que j'en ressens le besoin mais plutôt à une amie.

— Bien, merci.

Pas assez de mot et aucune confidence, alors le visage de ma mère se désole de frustration. Mais elle est coriace, elle souffle une deuxième fois sur son café, boit une bonne gorgée, repose son verre avant de prendre confortablement place au fond de son siège.

— Bien, merci, c'est tout !? Dix-neuf ans que j'attends que quelque chose se passe dans la vie de ma fille et toi tu me dis bien, merci et c'est tout ! Offre-moi au moins des détails. Il est deux heures de l'après-midi, je suppose que tu es rentrée à pas d'heure, donc, c'est que la soirée devait être mieux que bien.

Je devrais lui dire quoi au juste ?! Que Sony m'a embrassée avec passion et folie sur le toit de l'immeuble, les fesses à l'air, débordants dans un vide de cinquante étages mais avec le maintien de ses mains sur chacune d'elle et que j'ai joué la dévergondée jusqu'à que Sony me dise d'arrêter car j'allais trop loin pour un premier baiser ?! Non elle n'est pas sérieuse, ce n'est pas ce genre de détail qu'elle attend mais plutôt du déroulement de la soirée, hein ?! Dans le doute de ses attentes et de mes envies à me confier sur ma vie privée, je lui offre le déroulement de la soirée jusqu'à mon battle de danse sans jamais prononcer le nom de Sony. J'ajoute et j'en rajoute en décrivant les tenues des gens, l'ambiance, la décoration, je ne suis pas avare de mot et à travers mon récit, je revis cette soirée qui était vraiment parfaite en tout point.

Ma mère sourit, satisfaite de me voir m'épanouir dans cette nouvelle vie au décor désuet. Elle craignait que ma sagesse me ternisse et que notre faillite ne me renferme davantage. J'avais juste besoin d'un peu plus de temps et elle vient d'en prendre conscience. Heureuse de mon laïus, complet et sans fausse note, je prends une bonne gorgée de café pour m'hydrater

— Et comment va monsieur Personne ? demande-t-elle subitement.

Surprise par sa brusque curiosité, je recrache le café dans ma tasse, manquant de m'étrangler.

— Il va bien... je crois... je ne l'ai pas trop vu hier soir, dit-je en toussotant pour retrouver mon souffle.

Patiente et perspicace, elle me dévisage en plissant ses yeux comme si elle avait le pouvoir de lire en moi. Par reflexe, je replonge mon nez dans ma tasse pour tenter une diversion mais son insistance devient insoutenable et mon verre se vide.

SantanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant