Chapitre 34 (1)

127 23 25
                                    

Victoria se garait devant le lycée. Elle prit une profonde inspiration en fermant les yeux puis expira longuement avant de se décider à sortir de sa voiture. Elle avait pris l'habitude de faire cela à chaque fois dans sa voiture pour mieux se préparer à affronter les regards méprisants qui l'attendaient depuis la révélation de son secret.

À peine traversait-elle la cour qu'elle sentit les regards dédaigneux à son égard. Cela lui pesait mais elle n'en démontrait rien, faisant comme si ça ne l'atteignait pas tout en se dirigeant vers son casier.

— Hey Victoria ! Je me demandais comment ça se passe quand on couche avec son propre frère ? J'arrive même pas à imaginer tellement ça me répugne. Ce n'est pas la capitaine de pom pom girls que tu devrais être mais la reine de la perversité ! entendit-elle dans son dos.

La rousse n'avait même pas le courage de se retourner pour répliquer. Elle avait reconnu la voix remplie de dégoût de Dave qui faisait partie des nombreuses racailles du lycée. Il avait parlé tellement fort que toutes les personnes présentes dans le couloir l'ont probablement entendu. Elle sentait leurs regards perçants braqués sur son dos ainsi que les chuchotements méprisants à son égard.

Sa main se posa sur son casier se transformant en un poing, elle sentait des ongles s'enfoncer dans sa chair. Une colère sourde monta en elle vite remplacée par un sentiment de douleur. Tous attendaient sûrement qu'elle réplique pour mieux la rabaisser aussitôt. Elle l'aurait fait en temps normal de nature directe mais là elle n'en ressentit pas la force.

La sonnerie retentit. Le couloir commençait à se vider. Victoria n'attendit pas plus pour se retourner et se diriger à son cours d'Algèbre. Une heure déjà que le cours avait commencé et la concentration de la rousse n'y était toujours pas. Elle passait juste le temps à noircir une feuille de mots et de lettres qui lui passaient par la tête sans compréhension totale. Elle écrivait tout ce qu'elle ressentait actuellement, elle raffermit sa prise sur le stylo sentant la colère l'envahir. Elle se mit à écrire rapidement et durement comme si elle était entrée en transe renforçant la mine du stylo sur la feuille qu'elle finit par déchirer un bout.

Elle sortit de sa transe puis observa la feuille désormais trouée. Un soupir s'échappa de ses lèvres et elle lâcha le stylo sur la table. Victoria jeta un œil aux personnes alentours ainsi qu'au professeur qui n'avaient pas l'air d'avoir remarqué son attitude plutôt. Elle en était soulagée. Le professeur se tourna pour écrire au tableau, elle en profita pour regarder ce qu'elle avait écrit sur la feuille. Les mots « colère, douleur, tristesse » revenaient plusieurs fois. C'était exactement les sentiments qu'elle ressentait en ce moment ou du moins depuis la révélation de son secret.

Mais autre chose également attirait son attention. Les lettres « A, L, A, N » recouvraient les quatre bouts de la feuille. Si on les assemblait, Victoria savait bien ce que ça donnerait : ALAN... Même inconsciemment, elle pensait à lui. Elle essayait de l'oublier mais son nom s'immisçait toujours dans sa tête, ses pensées et son cœur. Elle secoua légèrement la tête pour ne plus y penser et essaya de se concentrer sur les paroles du professeur.

Après son second cours terminé, Victoria rangeait ses affaires. C'était l'heure de la pause. Elle sortit de la classe sans pour autant se diriger vers le réfectoire comme s'empressaient de faire les autres mais alla plutôt se réfugier dans la salle de musique. N'étant pas d'usage durant ces quelques jours de cours, elle savait qu'elle y serait tranquille et heureusement pour elle, la salle n'était jamais fermée à clé. Elle prit place devant un piano en déposant son sac à ses pieds. Elle laissa ses doigts planer sur les touches jouant ainsi une douce mélodie mélancolique comparable à son humeur actuelle.

Quand elle était petite, elle avait pris des cours espérant devenir pianiste plus tard mais elle avait fini par arrêter lorsqu'elle s'était passionnée pour le mannequinat. Elle lâcha un soupir las lorsqu'elle termina de jouer.

— J'étais persuadé que je te trouverais ici. Tu venais toujours te réfugier en salle de musique quand tu ne voulais voir personne.

Victoria se tourna en direction de la voix. Dylan était adossé au chambranle de la porte les bras croisés les yeux rivés sur elle. La rousse l'observa. À part la légère cicatrice qui se trouvait au coin de son sourcil gauche, son ami était toujours le même. Il avait toujours ce même air sympathique et ce même sourire avenant. Il s'était bien remis sur pied. Elle était contente pour lui contrairement à son cas qu'elle trouvait désespéré.

— Je suis surpris de voir que tu n'as pas perdu la main au piano. Tu joues toujours merveilleusement bien, reprit-il en prenant place à ses côtés.

— Merci Dylan.

Elle lui adressa un petit sourire qui disparut aussitôt.

— Je sais que tout n'est pas rose pour toi en ce moment...

— Qu'est-ce que tu racontes ? Tout va très bien, le coupa t-elle avec une mine faussement enjouée.

— Ne me mens pas Vic. Je suis ton meilleur ami et je sais quand quelque chose ne va pas, rétorqua Dylan d'un ton sérieux. Je sais que le fait d'avoir vu ton secret révélé aux yeux de tous t'a anéanti et le fait que tout le monde te crache dessus à présent t'affecte plus que tu ne le laisses paraître. Les autres ne le voient peut-être pas mais moi si.

Victoria resta muette. Elle avait toujours pensé que personne n'avait remarqué son malheur face à la situation, elle pensait avoir mieux caché ses sentiments devant ses amis pour qu'ils ne devinent rien. Apparemment cela n'était pas le cas.

Elle devait avouer qu'au début, elle vait voulu faire la fille forte que rien n'atteignait mais il était évident qu'elle en était profondément touchée. Elle détestait être en position de faiblesse face aux autres alors elle essayait toujours de cacher ses vrais sentiments, de paraître forte et inatteignable. Aujourd'hui, il semblerait que tout cela soit vain. Se sentant ainsi mise à nue, elle décida de se libérer.

— Je n'ai pas choisi de l'aimer de cette façon tu sais, commença t-elle d'une petite voix en fixant Dylan s'attendant à ce qu'il réplique mais voyant qu'il n'en fit rien, elle continua. Au début, ce n'était qu'une petite histoire. Des baisers par ci par là, des petits rapprochements... ensuite c'est parti crescendo sans qu'on ne sache vraiment comment. On se rapprochait de plus en plus, on n'arrivait plus à se séparer l'un de l'autre. On était devenu comme des aimants qui ne pouvaient s'empêcher de s'attirer, de se coller lorsqu'ils sont ensembles. Nous étions tout simplement inséparables, elle marqua une pause avant de reprendre d'un ton plus attristé. Je t'assure que j'ai essayé de m'écarter de lui. Nous avons essayé plus d'une fois mais c'était impossible. Je sais que la relation que nous avons est contre nature et que je ne devrais pas ressentir tout ce que je ressens pour lui mais je ne le peux pas. Je n'ai pas choisi de ressentir tout ça Dylan. Ce n'est pas ma faute !

— Chut... Cesses de pleurer, lui dit-il en la prenant dans ses bras.

Elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle pleurait. Elle essaya de calmer ses soubresauts réconfortée par Dylan qui lui caressait le dos. Victoria se sentait apaisée dans les bras de son ami et se serra un peu plus contre lui.

— Je ne peux pas te dire que je comprends forcément cette relation que vous avez mais je sais ce que c'est d'aimer une personne sans pouvoir arriver à se détacher d'elle. Et qu'importe si les gens ne cherchent qu'à te juger sans essayer de comprendre de quoi il est question exactement car ils n'en valent pas la peine. L'important c'est que toi tu connaisses la vraie histoire et que tu ne te laisses pas démonter par tous ces jugements, c'est tout ce qui compte.

Victoria était touchée par les paroles de son ami. Elle semblait revigorée. Elle se rendit compte qu'elle avait vraiment besoin d'entendre cela. Même si elle était toujours perturbée par la situation néanmoins elle se sentait un peu mieux. Elle lui fit une dernière étreinte avant de quitter ses bras.

— Vraiment merci.

Il se contenta de lui faire un clin d'œil.

— Bon alors je pense qu'il est temps d'aller bouffer, déclara t-il en se levant.

La sonnerie retentit pile à ce moment. Dylan afficha un air dépité en se rasseyant. Victoria ne put s'empêcher de s'esclaffer. Elle passa un bras sur ses épaules en lui tirant les joues.

— T'inquiètes pas je te paierai un cheeseburger avec double portion frites comme tu l'aimes la prochaine fois.

— T'as intérêt !

Elle rigola devant son faux air boudeur. Elle avait de la chance d'avoir un ami comme lui.

Secrets Game - TOME 1 TERMINÉ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant