Chapitre 21

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Contre toute attente, une fois Nakata évacué par le titanesque Aiz, on les laissa quelques temps durant vaquer à leurs occupations. Ajima et Mezagar se permirent de les accompagner jusqu'en lieu sûr ; une espèce de patio verdoyant au beau milieu duquel pleuvaient la lumière solaire et les senteurs orientales émises par de gigantesques fleurs bigarrées. Ici, leur jura-t-on, Nakata ne risquait pas de venir chercher des poux à la commandante de la Huitième Brigade. Akis n'eut pas le courage de leur demander s'ils parlaient effectivement du même Nakata : après tout, cet homme avait tout eu de déraisonnable, de son point de vue. Ajima et Mezagar ne lui donnèrent d'ailleurs pas l'opportunité de les questionner à quelque propos que ce fut ; ils choisirent d'eux-mêmes de déserter les parages après quelques palabres de circonstances échangées avec Lida, en constatant que les surnommés montagnards ne semblaient pas encore avoir le goût des bavardages.

Et c'était, au final, bien peu de le dire. Si ce n'étaient ceux qui, à l'instar de Sylas et de Keylan, n'avaient de toute manière jamais envie de discuter, tous ou presque étaient éreintés à l'issue de ce long périple qui les avait conduit jusqu'à la capitale du Royaume, toute éloignée qu'elle était de leur bon vieux Pic Zygos. Akis et Jade eux-mêmes étaient fourbus ; d'autant plus que leur recrutement, récent, n'effaçait pas la réalité du peu de temps de récupération qu'on leur avait octroyé à la suite du retour d'Aville. Ils avaient grand besoin de souffler... et il semblait que Corgenna allait leur donner l'opportunité de se prélasser, plus que jamais.

En attendant qu'on daigne les accompagner jusqu'à leurs chambres, les membres de la Huitième s'étaient donc installés sur les quelques fauteuils qui peuplaient ce patio ; là, à buller délicieusement au soleil, le rouquin se sentit à nouveau suffisamment ragaillardi pour brandir une fois de plus son inlassable curiosité. Sora, qui se trouvait à deux pas de là, fut ravi de pouvoir éclairer sa lanterne.

— Bon, Nakata, Mezagar et Ajima, ce sont des commandants, d'accord... mais les deux autres, c'étaient qui ?

— Le grand gars, c'était Aiz. Le commandant de la quatrième. La fille, c'était Laley. L'une des plus puissantes combattantes de la troisième brigade ; celle de Nakata, donc.

— Ah, je vois, songea Akis d'un air absent. C'est pour ça qu'ils étaient aussi balèzes ?

— Oui, abonda Sora en affichant un sourire embarrassé. J'ai du mal à croire que je pourrai jamais me hisser à leur niveau. Bon, ils ont une dizaine d'années d'entraînement de plus que moi dans les pattes, mais... Leurs pouvoirs sont extraordinaires.

Toujours songeur, Akis opina du chef sans piper mot. De ce qu'il en avait compris, Mezagar était capable de manipuler la terre et ses mouvements naturels grâce à la seule force de sa pensée, là où Ajima pouvait influer la gravité par le biais de ses faits et gestes : c'étaient effectivement deux dons qui jouissaient d'un potentiel offensif inénarrable. En comparaison, l'invulnérabilité qu'affichait Lida était certes pratique, mais bien plus restreinte. Elle ne risquait pas de pouvoir raser une ville par le biais de sa seule force, après tout... Cela ne manqua pas de titiller la curiosité d'Akis, qui revint à la charge après avoir arqué un sourcil exagérément, suscitant l'intérêt de son ami.

— Mais, attends... si Lida est première, ça veut bien dire qu'ils sont classés en-dessous d'elle, non ? Comment on peut considérer que leurs pouvoirs sont inférieurs au sien ?

— Ah, ça, ricana Sora, tout le monde se pose la question, au début. Mais il faut bien comprendre que l'Oracle établit un classement en se basant sur les rapports de force individuels. Mezagar a déjà détruit une armée à lui tout seul, prouesse que Lida ne pourrait sûrement pas réaliser... mais si Mezagar et Lida devaient combattre, il n'aurait aucun moyen de la tuer. Pire encore : elle est plus habile à l'épée, plus puissante, plus endurante, plus véloce... Elle n'en ferait qu'une bouchée !

Le Royaume de BalhaanWhere stories live. Discover now