Chapitre 104

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Lida fondit sur l'Oracle à vive allure ; ses foulées voraces lui permirent bien promptement de se porter à la hauteur de son vénérable adversaire, qu'elle tenta de gratifier d'un direct en plein visage. Alerte et habile, il ne se laissa pas atteindre sans broncher ; non content d'esquiver la charge de la commandante en se baissant brutalement, il prit également le parti de se rapprocher d'elle pour enserrer son buste. Il glissa son pied gauche derrière les chevilles de la désormais pugiliste, sapa ses appuis, entreprit de la faire tomber à même le sol. Elle s'y effondra, certes, mais le choc, comme attendu, ne sembla pas l'émouvoir outre-mesure ; elle s'échina plutôt à atteindre le Saint Homme d'un coup en plein dans les côtes, lui coupant le souffle et le contraignant à relâcher la pression qu'il exerçait sur elle. Certes, il avait des armes, au corps-à-corps ; mais, en l'état, son caractère indestructible rendait la jeune femme absolument invincible sur ce terrain. Aiz lui-même aurait été en peine de la dominer...

Comprenant douloureusement cet état de fait, il détacha leurs deux silhouettes en reculant précipitamment ; puis il frappa du plat du pied la rue pavée sur laquelle ils se trouvaient, et la dalle qui se situait sous Lida s'éleva à une vitesse prodigieuse, menaçant de l'expédier à des dizaines de mètres de là si rien n'était fait pour l'empêcher. Bien loin de s'arrêter en si bon chemin, l'Oracle joignit ses deux mains, l'une contre l'autre ; il généra un simulacre de boule de feu qu'il expédia en direction de Lida, alors que cette dernière n'avait toujours pas réussi à séparer sa silhouette de la dalle mouvante. Une explosion pyrotechnique de grande envergure naquit de cette rencontre... et la guerrière, héroïque, en traversa la fumée sans porter le moindre stigmate de cette détonation sourde. Courroucé, et constatant qu'elle retombait dans sa direction, prête à frapper, son opposant attrapa le ciel, une fois de plus, et amorça un geste énergique de haut en bas ; la gravité sembla happer l'Invincible et la précipiter au sol, qu'elle heurta rudement. Elle se relevait tout juste que la voix de Nakata entreprenait d'attirer son attention.

— Lida ! Tiens !

Elle releva les yeux au moment même où une forme rectangulaire et plane surgissait devant elle ; elle l'empoigna solidement et l'expédia en direction de l'Oracle d'un revers virulent. Il eut bien le réflexe d'établir les paumes de ses mains devant lui, et de repousser l'air comme pour interposer là un bouclier impénétrable ; mais le choc fut tel qu'il ne parvint pas à tenir sa position, et qu'il fut rejeté vers l'arrière de quelques mètres. Un rouler-bouler déshonorant lui fut indispensable pour recouvrer la pleine totalité de son équilibre ; et Lida, muette, constata que l'arme par le biais de laquelle elle venait d'atteindre l'ennemi était en vérité le bouclier fétiche de Silvia.

Leur redoutable ennemi n'eut pas vraiment le temps de respirer, après ce coup vindicatif encaissé avec plus ou moins d'assurance. Sur sa gauche, Nakata surgit ; armé du chakram d'Amara, il tenta de le décapiter avec finesse et promptitude. Il n'y parvint pas, toutefois : l'Oracle projeta sur lui une poignée de graviers qu'il avait attrapé au cours de sa projection, lesquels ne manquèrent pas de s'unir pour former une espèce de pilier qui s'étendit jusqu'à le percuter en plein abdomen. Ce fut au tour du commandant d'être envoyé paître ; il se rétablit après quelques mètres, s'épousseta nonchalamment, et se remit en garde. Il n'était pas familier du tout de ce type d'armes, et aurait préféré réussir à mettre la main sur une lame moins fantasque... mais ce n'était ni le moment, ni le lieu de jouer la fine bouche.

— Ce bouclier... Ce chakram... Qu'as-tu fait à mes subordonnées ? aboya Lida en contenant péniblement son ire.

— Eh bien... Disons simplement que je me suis chargé de les discipliner, comme cela ne semblait pas à l'ordre de vos priorités, répondit son interlocuteur avec un ton badin du plus mauvais goût.

Le Royaume de BalhaanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant