Chapitre 108

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Au cœur de l'Esplanade :
Lida, Nakata, Akis, Rolan, Silvia, Charles Delistel, et L'Oracle.

Aux abords des murailles :
Dixan, Erik, Jade, Sora, Istios, les subordonnés d'Aiz, et Aiz, Vivel, Amilista, leurs subordonnés respectifs.

A l'entrée de l'Esplanade :
Andrek, Amara, Kurl, Laley, Satin, Malir.

A l'extérieur de Corgenna :
Mezagar et Ajima.

***

L'odeur de soufre, dorénavant, était omniprésente. Elle avait écrasé, depuis belle lurette, toutes les senteurs délectables et printanières dont recelait la forêt garnie qui encerclait autrefois Corgenna ; et toutes ces plaines quiètes au sein desquelles on n'entendait généralement qu'une brise des plus discrètes étaient désormais dévorées par des incendies voraces, qui projetaient des flammes si vigoureuses que l'atmosphère toute entière commençait à s'avérer irrespirable. Il avait fait tout ce qu'il pouvait pour déchaîner ce chaos indicible sur son opposante... mais Ajima, méthodiquement, sans paniquer, avec une justesse et un brio altiers, avait à chaque fois su opposer à ses offensives explosives une parade toute trouvée. Elle était meilleure que lui. Factuellement. Indéniablement. Plus rapide, plus souple, plus robuste, plus endurante, plus forte, plus adroite, plus réactive, plus intelligente aussi, sans doute ; et elle maîtrisait mieux ses talents, quand bien même le potentiel offensif de Mezagar était proprement inégalable. C'était la raison pour laquelle elle était debout, et lui allongé ; la raison pour laquelle son souffle à lui était anarchique, arythmique, quand elle se contentait d'un soupir long d'une seconde pour retrouver toute sa contenance.

Un frémissement de ses narines permit au quadragénaire d'apprécier les senteurs charbonnées que les vents nocturnes leur portaient sans interruption depuis plusieurs minutes. Les incendies qui crépitaient ne manqueraient pas de retomber, tôt ou tard ; parce qu'il n'y aurait plus grand-chose à avaler pour les flammes, tant elles avaient pu faire des ravages en un temps record, jusque-là. Sa combativité s'éteindrait-elle en même temps ? Et sa vie ? Son opposante trouverait-elle la force de le mettre à mort, lors même qu'elle avait semblé jusqu'à présent veiller à ne pas lui porter de coup trop virulent ? Il était évident qu'elle prenait des gants. Il aurait pu lui opposer une résistance farouche, dans ses jeunes années ; peut-être même la blesser grièvement. Mais l'emporter ? Le borgne avait toutes les peines du monde d'y croire lui-même. En son temps, il avait vraisemblablement été l'homme le plus puissant de tout Balhaan. L'homme le plus puissant du monde. Mais il ne pouvait rien contre les affres du temps ; et puisque chaque génération nouvelle était destinée à surplomber les anciennes, il était forcément un jour, une heure, une minute au cours de laquelle il ne serait amené à n'être plus qu'un vieillard oubliable. Frêle. Faible.

Ses cheveux ocres lui collaient au front, maintenus à leur place par un rideau de transpiration qui retranscrivait assez fidèlement son éreintement. Il se passa une main sur le visage, tâchant à recouvrir un tant soit peu de son légendaire mordant ; et il se redressa, quoi que pesamment, en titubant un peu, en s'y reprenant à deux fois. Quelques fines lacérations striaient sa chair, çà et là ; mais l'essentiel de ses blessures étaient invisibles. Sa fatigue y contribuait pour beaucoup... et son ego demeurait infiniment plus meurtri que son propre corps.

— On ignore toujours... ce que le temps nous réserve, reconnut-il avec un sourire grinçant. Si j'avais un conseil à te donner, Ajima, ce serait celui-là. Ne te laisse pas vieillir. J'aurais dû... J'aurais dû guerroyer davantage. Attaquer. Dévaster des pays entiers. En procédant comme ça, j'aurais sans doute passé plus de temps à me sentir vivant.

— Et tu aurais occasionné des montagnes de morts. Tu ne serais pas devenu un héros ; juste un parjure, un meurtrier de masse, le chantre de l'apocalypse. Capitule. Il est encore temps, pour toi, de devenir le héros que tu étais appelé à devenir depuis le début. Tu pourrais inspirer nos aspirants les plus prometteurs pendant des siècles.

Le Royaume de BalhaanWhere stories live. Discover now