Chapitre 88

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Ne pas s'arrêter. Ne surtout pas s'arrêter.

Depuis qu'ils avaient repris leur route, Akis se sentait comme aspiré vers l'arrière. Tout son être lui hurlait de rebrousser chemin, de s'en retourner auprès de ses proches afin de les épauler au mieux. L'absence de Sora, d'Andrek et de Malir, surtout, était des plus cruelles ; il ne se voyait pas les abandonner à leur sort, quand bien même c'était précisément ce qu'on lui demandait de faire. Après tous les grands mots qu'il avait proféré à l'endroit de Nakata, il commençait à songer que c'était peut-être l'épéiste blond qui avait raison, en fin de compte. A quoi bon chercher à libérer leurs pairs s'ils n'étaient pas capables de se serrer les coudes, de progresser de concert ? La vitesse d'exécution de leur incursion était capitale, pour sûr. S'ils tardaient trop, leurs opposants risquaient de s'organiser au mieux, voire, éventuellement, de déplacer ou d'assassiner les trois prisonniers, de sorte que nul ne soit plus jamais en mesure de voler à leur secours. C'était avec cette petite idée qu'il tâchait de continuer à mettre un pied devant l'autre, de lutter contre la force de plus en plus insensée qui, comme un élastique accroché à son dos, se tendait d'instant en instant et cherchait à le renvoyer auprès des siens.

Quand Lida, Rolan et Jade seraient enfin libérés, ils pourraient, tous ensemble, s'en retourner auprès de Laley et des autres soldats. Ils leur prêteraient main forte. Ils l'emporteraient.

Ce n'était pas un vœu pieux : c'était une obligation. Un impératif auquel nul ne pouvait se soustraire. Parce qu'Akis n'imaginait pas que les choses puissent se dérouler autrement.

— Ne vous arrêtez pas ! beugla Dixan en pointant du doigt un contingent de soldats se dressant sur leur route. Je m'occupe de les écarter de là !

Les trois autres combattants opinèrent du chef sombrement ; il prit la tête de leur quatuor, laissa couler un fin filet d'eau le long de son bras droit puis, une fois parvenu à une dizaine de mètres des membres de la garde de Corgenna et de leurs Cydylaïns, déploya dans leur direction un torrent tempétueux qui ne manqua pas de les happer, de les malmener, de les propulser jusqu'aux murs les plus proches où ils s'écrasèrent lourdement. Pas un ne parvint à demeurer solidement ancré au sol ; la puissance des flots qu'invoquait Dixan était telle qu'il ne laissa même aucune chance aux Cydylaïns, dont la plupart volèrent en éclats lorsqu'ils se fracassèrent contre les murs de pierres. L'heure n'était plus à la diplomatie, ou au calcul précieux des conséquences de leurs actes. Ceux qui se dressaient sur leur route devaient être considérés comme des ennemis.

Ils débouchèrent enfin sur une artère un peu moins large que les autres, laquelle menait jusqu'aux geôles royales où leurs trois camarades devaient se trouver. Dixan conserva la tête du groupe, puisque d'autres soldats ordinaires continuaient d'affluer de toute part ; il se chargea d'en éliminer le plus grand nombre, et Kurl déploya une flèche qui fusa d'un buste à l'autre pour achever la maigre résistance que les vagues ne parvenaient pas à effacer. Imperturbables, Nakata et Akis continuaient à progresser en s'en remettant complètement à leurs deux compagnons. Ils furent les premiers à pénétrer dans le hall autour duquel s'organisait le bâtiment ; des escaliers tournoyaient de part et d'autre de cette gigantesque pièce, les uns filant vers les nues et les autres s'enfonçant dans les entrailles de la terre. Pour le flamboyant épéiste, il était à peu près certain que Lida, Rolan et Jade devaient être incarcérés sous terre ; c'était là que la sécurité était la plus dense. Mais pour y parvenir, ils allaient déjà devoir traiter avec un problème de taille...

— En apprenant que la Première Brigade avait échoué, je me suis dit que vous n'alliez pas tarder à arriver... On dirait que mon flair ne m'a pas trompé, cette fois non plus.

Le Royaume de BalhaanWhere stories live. Discover now