Chapitre 48

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Les deux lames de bois se séparaient l'une de l'autre afin de se retrouver avec une fièvre toujours accrue ; les halètements des deux combattants laissaient entendre que la tâche à laquelle ils se livraient était ardue, et leurs bonds vigoureux confirmaient cette première impression saisissante. Le jeune prodige Sora, privé de ses armes de prédilection, mettait à profit son expérience et sa vélocité pour acculer son opposant aussi efficacement que possible ; mais ce dernier trouvait toujours une parade ou une esquive désespérée à lui opposer, rendant la moindre de ses offensives vaine. Cela faisait déjà deux bonnes minutes que leur bras de fer avait débuté... deux bonnes minutes que Sora était tenu en échec par nul autre qu'Akis.

Leur rixe se déroulait sous les regards tantôt atterrés, tantôt fascinés de la plupart de leurs collègues. Seuls Lida, Sylas, Laley et Nilly manquaient à l'appel ; tous les autres avaient répondu à l'invitation de Nakata, qui avait voulu leur soumettre le fruit de ses efforts. Force était d'admettre qu'il avait, en l'occurrence, toutes les cartes en main pour continuer à croître en crédibilité aux yeux des membres de la Huitième Brigade.

D'un geste plus nerveux que la normale, Sora parvint finalement à bousculer Akis après que ce dernier ait contré un coup de taille virulent ; d'un coup d'épaule, il le déséquilibra et l'envoya au sol. Pendant la chute du natif d'Aville, il amorça une estocade qui, il l'espérait, finirait sa course en plein dans l'abdomen de son vis-à-vis. Une telle touche mettrait assurément un terme à leur petite confrontation, qui n'avait que trop duré... Et une telle touche aurait nécessairement fait mouche, si cette lutte avait dû se dérouler deux semaines plus tôt, avant que l'entraînement de l'ancien apprenti ne soit pris en main par le splendide commandant.

Sauf qu'en l'occurrence, Akis était fort d'une quinzaine de jours riches en épreuves et en efforts. La semaine qu'il avait passée à endurer toutes sortes de blessures dont il guérissait en un claquement de doigts avait forgé son esprit ; les quelques jours au cours desquels il avait dû lutter contre Aiz en lui dérobant son pouvoir puis contre d'autres de ses compagnons sans rien user d'autres que ses poings, eux, lui avaient permis de prendre nettement connaissance de ses compétences athlétiques. En outre, ces exercices intensifs avaient fait grandir ses muscles, leur conférant une puissance qu'ils n'avaient jusqu'alors jamais recelée ; et, dans la griserie du moment, le rouquin estima que plus rien n'était impossible, pour lui.

Il utilisa son coude gauche pour amortir sa chute ; puis, d'une impulsion sèche du bassin, il parvint à se désaxer et à tournoyer assez promptement pour laisser l'estocade de Sora percuter la terre battue sans jamais l'atteindre. Il se redressa à la hâte, puis se remit en garde juste à temps pour contrer le nouveau coup de taille que son adversaire tentait de lui expédier sur le buste rageusement. Il bondit en arrière, reprenant ses distances avec précaution, avant de se stabiliser en souriant avec arrogance. Cette assurance sembla dépasser les bornes, aux yeux de son jeune ami ; ce dernier bondit sur lui, mima un estoc, glissa l'une de ses jambes entre celles du natif d'Aville et l'expédia au sol d'une bourrade. Pour éviter que le nouveau venu de la Huitième ne se carapate une fois de plus, il se jeta sur lui et parvint à s'asseoir sur son ventre ; puis il plaça la pointe de son épée en bois sur la gorge d'Akis, coupant court à cette lutte acharnée. Soudain blême, le garnement lâcha sa propre arme en glapissant. Cette déconvenue sembla satisfaire son vis-à-vis, puisqu'il se redressa instamment pour lui rendre sa liberté de mouvements, non sans lui tendre une main chaleureuse au passage ; Akis s'en empara tandis que quelques uns de ses compagnons, Satin, Andrek, Lani, Malir et Amara, se jetaient sur lui pour lui offrir des félicitations bien méritées.

— Qui aurait cru qu'Akis finirait par devenir bon, arme au poing, s'émut ainsi Andrek.

— J'aurais pas mis ma pièce dessus, concéda Malir en tapant l'épaule du rouquin avec entrain.

Le Royaume de BalhaanDove le storie prendono vita. Scoprilo ora