Chapitre 55

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Ils reprirent leur périple de bonne heure, le lendemain matin, juste avant que le soleil ne se lève. Ils se mirent en branle sans regarder derrière eux, laissant là les grottes, le Sciotum, le Cydylaïn et le Cydymisen ; finalement, Dixan avait décidé de les ignorer, de partir du principe qu'ils étaient inoffensifs et ne leur poseraient pas problème quant aux futures opérations militaires à mener. Erik avait abondé en son sens, et Nakata s'était tu. Akis l'avait soupçonné de vouloir opter pour une approche plus pragmatique et plus sordide en prônant l'exécution sommaire de Kaster ; mais l'habile bretteur s'était contenté de conserver le silence, approuvant par défaut la décision de son collègue. Sans doute n'avait-il pas le cœur, lui non plus, d'intenter à la vie de cet ermite qui semblait en l'occurrence n'avoir pour dessein que celui de demeurer quiet, perché dans ses montagnes.

Le quatuor leur ayant servi d'éclaireurs n'avait pas menti. Le sentier, doux, large, leur offrit une reprise des plus tranquilles. L'heure entière fut ainsi très agréable, permettant à tout un chacun de se réveiller progressivement tandis que les rayons solaires venaient finalement caresser le peu de peau qu'ils exposaient hors de leurs couches de vêtements épais. Celle qui suivit se prolongea dans cette espèce de faux plat qui, à défaut de les épuiser, contribua néanmoins à réveiller quelques courbatures attisées par une nuit passée sur la roche. Ce fut après que les choses se compliquèrent quelque peu.

Une cassure subite amena le contingent de soldat à dévaler une pente en retenant autant que possible leurs montures par la bride, en marchant à leurs côtés. Fort heureusement, il en fallait davantage pour effrayer les chevaux du Zygos, qui descendirent le sentier paisiblement, leurs cavaliers flattant leurs encolures régulièrement pour les encourager à persister dans cette conduite. Akis, qui n'était pas loin de fermer la marche, se fit peur à maintes reprises en posant le pied sur des cailloux déchaussés, appuis traîtres qui n'invitaient qu'à une glissade malencontreuse. Il demeura néanmoins en un seul morceau jusqu'à ce que la route ne retrouve une inclinaison plus raisonnable.

Ce ne fut pas pour autant qu'ils purent se permettre de grimper à nouveau sur leurs destriers ; là, à une altitude plus abordable pour la végétation, des nuées de ronces étaient venues noyer ce sentier ancestral en le rendant quasiment impraticable pour les soldats des Brigades Royales. Quelques passages avaient bien été tracés par les automates du Royaume voisin, qui, dans leur imbécilité toute mécanique, avaient dû suivre la route qu'on leur avait demandé d'arpenter sans se poser la moindre question au sujet des obstacles qui pouvaient s'y répandre, mais aucun n'était suffisamment vaste pour pouvoir permettre à la colonne d'y faire passer les chevaux. Une décision devait être prise...

— Je pourrais y mettre le feu, envisagea Amara en se frottant le menton tandis que tous les cerveaux étaient mis à contribution.

— On risquerait d'attirer l'attention des soldats ennemis. Et d'effrayer les chevaux, en prime, remarqua Erik en secouant la tête avec pessimisme.

— Il y a bien quelqu'un qui pourrait nous sortir de ce guêpier, souligna Silvia en pivotant lentement.

Elle fit face à Satin, qui tressaillit exagérément en comprenant qu'on semblait faire allusion à son pouvoir. Soudain blême, il entreprit de bredouiller quelques excuses, ne parvenant pas à croire qu'on puisse compter sur lui pour une tâche si considérable.

— C'est que... Jusqu'à présent, je n'ai utilisé mon pouvoir que sur des buissons... Pas sur une telle quantité de végétaux simultanément. Je ne suis pas sûr d'y arriver...

— Qu'est-ce qui pourrait mal se passer ? l'interrogea Andrek en posant une main rassurante sur son épaule. Si tu nous fais gagner dix mètres, soit, c'est toujours ça de pris.

Le Royaume de BalhaanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant