Chapitre 29

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Comme ordonné par Lida, les membres de la Huitième Brigade reprirent la route sans plus attendre. Les premières heures de pérégrinations se firent dans un silence de plomb : mis-à-part quelques discussions distraites qui s'avéraient tristement éphémères, rien ne permit aux combattants du Pic Zygos d'oublier les sinistres révélations qu'on venait de leur dévoiler. L'avenir apparaissait comme plus incertain que jamais, puisque, comme souligné au cours de la réunion, jamais depuis des siècles le Royaume de Balhaan n'avait eu à entreprendre de véritable guerre à l'encontre de ses voisins. Même les escarmouches qui avaient pu éclater çà et là, à l'instar de celle qui avait privé Mezagar de son œil droit, souffraient de la comparaison avec un véritable conflit armé s'inscrivant sur le long terme.

Et ce n'était pas tout. Bon nombre des membres de la Huitième s'inquiétaient aussi intensément de l'avenir de leurs apprentis que Lida elle-même. Pour Andrek ou pour Nilly, l'affaire était entendue : l'un et l'autre étaient largement en mesure de s'inviter au sein de la Brigade en tant que membres à part entière, dans la mesure où leurs capacités martiales et leurs compétences annexes leurs conféraient déjà un rôle bien spécifique au sein de la hiérarchie des apprentis. Pour Satin, c'était nettement plus délicat : certes, l'érudit s'était installé à la forteresse depuis déjà une paire d'années, et avait à ce titre pu se plier au rythme et aux exigences bien spécifiques que la vie au Pic Zygos imposait, mais il restait un combattant médiocre, maladroit, brouillon et impressionnable. L'idée de l'envoyer en première ligne les débectait autant qu'elle les angoissait. Il n'y serait jamais véritablement en sécurité.

Pour Jade, tout cela était simplement trop hâtif. Elle disposait certes de qualités indéniables, et d'un potentiel flagrant, mais elle était encore jeune et elle souffrait encore, parfois, de troubles de la concentration qui pouvaient s'avérer catastrophiques en situation réelle. La preuve en avait été apportée récemment, avant l'arrivée de la Brigade à Aville, face aux déserteurs du Royaume de Kale qui avaient bien failli la pourfendre : elle se laissait parfois surprendre et devait à ce titre compter sur ses pairs pour lui sauver la mise.

Pour Akis, enfin, la situation était encore plus incommodante de leur point de vue à tous. Il était gauche, naïf, débonnaire ; il n'avait aucune qualité qui pouvait lui permettre de tirer son épingle du jeu sur un champ de bataille. Un soldat du commun était largement en mesure de lui infliger une correction amère en un claquement de doigts... Et, pire encore, il ne connaissait toujours pas les talents propres à son Cydylaïn. Si Oscar et lui devaient être unis avant que ces pouvoirs n'aient été découverts, il allait sans dire que le rouquin ne serait pas en mesure de les utiliser avant un long moment, dans la mesure où il lui faudrait en assimiler la nature avant d'apprendre à en user. Il s'agissait là d'une période au cours de laquelle il ne serait ni plus ni moins qu'un humain ordinaire disposant d'un pouvoir latent dont il ignorait tout : période au cours de laquelle, s'il fallait en croire les prémonitions de l'Oracle, la guerre gronderait et ravagerait sur toute la surface du Royaume de Balhaan.

En ce qui concernait le natif d'Aville, donc, il y avait fort à parier qu'une course contre la montre allait avoir lieu ; et que son déroulement signerait la survie glorieuse ou la fin morbide du rouquin.

Cedit rouquin, d'ailleurs, ne se sentait guère l'envie de troubler le calme qui les suivait dans leur longue procession. Il conservait toujours Oscar contre lui, ou, à défaut, à portée de main. Il lui semblait qu'il ne l'avait jamais autant senti que depuis que Jade lui avait révélé qu'il risquait fort d'en être privé sempiternellement. Son poids, ses errements, ses hésitations débiles et les douleurs qu'il éveillait lorsqu'il malmenait la chevelure de son Cydymisen étaient tous bien plus vifs qu'ils ne l'avaient jamais été. La boule qui rongeait le ventre d'Akis s'était déplacée jusqu'à venir se nicher dans sa gorge ; et il se sentait capable d'éclater en sanglots à chaque fois qu'il envisageait sérieusement la perspective de ne plus jamais avoir à ses côtés ce petit quadrupède l'ayant suivi dans la moindre de ses tribulations passées.

Le Royaume de BalhaanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant