Chapitre 113

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Au cœur de l'Esplanade :
Lida, Nakata, Akis, Rolan, Silvia, Emilia, Charles Delistel, et L'Oracle.

Aux abords des murailles :
Dixan, Aiz, Vivel et Amilista.

A l'entrée de l'Esplanade :
Andrek, Amara, Kurl, Laley, Satin, Malir, Erik, Jade, Sora, Istios, les subordonnés d'Aiz, les subordonnés de Vivel et d'Amilista.

***

Il sentait qu'il se rapprochait dangereusement de l'abîme. Son corps tout entier criait au martyr ; sa tête lui tournait comme jamais, la moindre respiration devenait un supplice, et il peinait à conserver l'aplomb qui avait fait de lui, quelques années plus tôt seulement, le commandant le plus jeune de l'histoire des dix Brigades Royales de Balhaan. Dixan était dans un piteux état. Dans d'autres circonstances, il se serait sans doute accordé une pause généreuse sans trop éprouver de remords à cet égard, parce qu'il avait conscience d'avoir bataillé férocement jusqu'à présent, d'avoir donné tout ce qu'il avait à donner, et plus encore... mais il avait conscience que ce qui se jouait céans dépassait très allègrement sa petite personne. 

Il l'avait vu de ses propres yeux : l'Oracle n'était en rien le vieillard sardonique et prophétique qu'il avait prétendu être pendant des années. Il avait changé de corps, d'une part ; et il avait commencé à déployer des pouvoirs cauchemardesques, dont nul n'avait jamais suspecté l'existence, d'autre part. La Brigade Oraculaire, la captivité de Lida... Tout ça, avec un brin de recul, lui apparaissait comme des indices bien trop éloquents. Il s'en voulait de ne pas avoir davantage écouté Nakata ; mais, d'un autre côté, il doutait qu'une autre approche aurait pu, ultimement, donner des résultats plus satisfaisants.

Ils s'étaient empêtrés dans la toile de l'araignée depuis longtemps, trop longtemps pour pouvoir s'en libérer sans avoir à souffrir de pertes tragiques.

Il espérait simplement, à ce stade, parvenir à survivre suffisamment longtemps pour voir ses pairs l'emporter. Ses saignements abondants, il avait finalement réussi à les canaliser ; il utilisait continuellement une part conséquente de l'eau qu'il manipulait à l'envi pour renvoyer dans ses propres veines tout le liquide carmin qui menaçait de s'échapper de son bras. Envers et contre tout, il en avait perdu, suffisamment pour se sentir à demi-exsangue ; et la fatigue, comme une lame de fond, menaçait de le submerger pour de bon pour le précipiter dans les bras de Morphée.

S'il perdait connaissance, c'en serait fini de lui. Son emprise sur l'eau cesserait ; les saignements reprendraient, et dans des conditions aussi insalubres, il ne pourrait compter sur le secours d'aucun médecin suffisamment compétent pour assurer sa survie. En outre, il ne manquerait pas de susciter les inquiétudes les plus vives d'Aiz, lequel risquait de se détourner de son combat, ne fut-ce qu'au cours d'un infime instant... infime instant que Vivel ne manquerait pas de mettre à son profit. Il devait donc rester debout, rester vaillant, au moins jusqu'à ce que l'autre Orphelin parvienne à l'emporter ; ce ne serait qu'après cela qu'il s'arrogerait le droit de respirer un bon coup.

Alors, inlassablement, mécaniquement, il projeta un nouveau geyser en direction d'une poignée de soldats d'argile, qui se détournaient des deux autres commandants pour continuer à le mettre sous pression. Il les balaya sans la moindre difficulté, jeta un regard à Aiz, apprécia de le voir encore si bagarreur, pria pour que cela suffise.

Le colosse, de son côté, tâcha de parer le coup de masse que sa collègue lui expédia au visage ; ses avant-bras tinrent bon, sur la trajectoire de l'arme massive, mais il dut serrer les dents pour réprimer un cri tandis que la douleur irradiait, fusillait ses os et tiraillait ses muscles. Elle voulut renchérir, mais son arme, lourde par essence, l'en empêcha dans l'immédiat ; il acheva de supprimer la maigre distance de sécurité qu'elle avait su instaurer entre eux, lui marcha sur le pied pour l'empêcher de bondir en retrait, essaya de la percuter d'un coup de poing en plein buste. Il y parvint, certes, mais pas avec toute la fureur qu'il aurait aimé déployer ; d'une part parce qu'il commençait, lentement mais sûrement, à faiblir, d'autre part parce qu'un soldat d'argile se jeta dans son dos et entreprit de le ceinturer de façon à entraver sa liberté de mouvements.

Le Royaume de BalhaanDonde viven las historias. Descúbrelo ahora