Chapitre 4

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4.

This is us

Je laisse tourner le champagne dans ma flûte en soupirant et en jetant un oeil à ma montre. 19 h 37. Il devrait déjà être là depuis exactement vingt-deux minutes. Justin m'avait donné rendez-vous à 19 h 15 pour une sortie au restaurant, rien que lui et moi. Ce soir, je n'ai pas de concert. L'occasion était absolument parfaite, si on oublie son inacceptable retard. Pas un SMS. Rien. Juste... Son absence. Comme d'habitude. Putain, est-ce qu'il me prend pour une conne ? Je suis une rockstar reconnue dans le monde entier et il me fait poireauter comme si j'étais une foutue femme normale ! D'accord, je patiente avec une bouteille de champagne à vingt-mille dollars, mais ce n'est pas ce qui va me calmer.

— Vous désirez quelque chose, madame ? demande le serveur en s'approchant.

— Une nouvelle bouteille. C'est monsieur qui réglera la note.

— Mais certainement, madame.

Ça lui apprendre à être à la bourre, cet imbécile. La belle affaire, de m'inviter dans le restaurant le plus chic de New York, si c'est pour ne pas venir. J'ai une très belle vue sur les gratte-ciel et je sens la palpitation presque sanguine de la rue, en bas, mais pas de nouvelles de mon putain de fiancé ! Parfois, j'ai l'impression d'avoir donné ma main à un fantôme et je me sens comme une conne, parce que lorsqu'il a voulu me marier, je l'ai prévenu tout de suite : « Mon taff passe avant le reste, je préfère te le dire. »

Ça ne l'avait pas dérangé. Il m'avait rétorqué qu'on pourrait quand même passer du temps tous les deux. Qu'il trouverait toujours un moyen. Justin est un homme d'affaires dans le luxe, après tout. Il aime les belles choses. Les beaux bijoux, les beaux trophées. Et parfois, c'est ce que j'ai l'impression d'être, pour lui. Une pièce de collection. Sa nana sexy qu'il peut exhiber dans ses soirées mondaines, sans trop la laisser parler quand même, des fois que je balance une grossièreté. Nous ne sommes pas du même monde et pourtant, nous nous sommes trouvés. Lui, le riche héritier et moi, la self-made-women vulgaire et souvent considérée comme une agitatrice de premier ordre.

Mais jusque là, ça marchait. Seulement, depuis la demande en mariage, j'ai l'impression qu'il est plus distant que jamais.

19 h 53. Justin pointe le bout de son nez. Je vais lui faire ravaler ce sourire de façade et casser ses dents plus blanches que l'ivoire, s'il continue de me regarder comme ça. Il tend sa veste au serveur, puis s'installe en face de moi en soufflant un grand coup.

Pas mal. Bien habillé. Sexy. Je ne l'avais pas vu depuis au moins trois semaines et je constate qu'il n'a pas beaucoup changé. Justin est blond, cheveux courts, toujours bien coiffés. Il arbore une barbe de quelques jours qu'il se plaît à laisser paraître « négligée » alors qu'il s'agit d'un style tout à fait étudié pour avoir l'air décontracté. Chemise, cravate, blaser. La totale. On dirait qu'il sort d'un rendez-vous d'affaires et à bien y réfléchir, c'est sûrement le cas.

— Tu n'as rien à me dire ? commencé-je avec agacement.

— Si. C'était la folie, aujourd'hui. Tu as attaqué le champagne ?

Je grimace de colère et réfrène ma rage. Si je ne me contrôle pas un peu plus, je vais finir par lui envoyer un verre à la gueule et je crois que ce ne serait pas bon pour notre image. Alors, il ne va même pas aborder le sujet ? Il commence à commander, comme si de rien n'était. Tandis que le serveur est en train de lui demander la cuisson de sa viande, j'interviens :

— Et l'horaire, Justin ? Tu n'avais pas l'intention de me prévenir que tu aurais presque quarante putain de minutes de retard ?

Langage peu châtié, mais il le mérite. Cela a au moins pour effet de surprendre le serveur.

Twins CampusWhere stories live. Discover now