Twins Campus

Chapitre 8

8.

Twins

Lorsque Nate m'a annoncé la nouvelle, je ne l'ai pas cru. Je ne pouvais pas imaginer avoir une famille. Aussi décomposée soit-elle. Moi, l'orpheline, celle qui a tout réussi par ses propres moyens, j'aurais finalement des gens du même sang que moi auxquels rendre des comptes pour ma carrière et pour ma vie, de manière générale ? Je ne sais pas... Cette nouvelle m'a à la fois fascinée et terrifiée. J'ai compris que je n'étais pas seule. Moi qui avais toujours pensé l'être.

— Tu es bien sûr de toi ? ai-je demandé à Nate.

— Eh bien, euh... Oui, certain. J'ai... J'ai passé énormément de coups de fil, je me suis beaucoup renseigné et il semblerait que vous ayez de la famille. Mais, votre mère vient juste de mourir, votre père a disparu de la circulation et... vous vous souvenez de la fille qui vous a envoyé un message, l'autre jour ? Aussi fou que cela puisse paraître, vous êtes sûrement soeurs jumelles.

Devant l'air estomaqué de Bianca, je tente de modérer un peu mes propos.

— Bon, ça ne veut pas dire que nous allons devenir les meilleures amies du monde, soyons claires. Mais j'avais envie de rentrer dans ta vie. En plus, tu es carrément fan de moi. C'est encore plus facile.

Elle ne répond rien. J'ai beau claquer des doigts devant elle, pas l'once d'une réaction. C'est comme si elle s'était figée. Que ses pieds s'étaient tout à coup enracinées dans le sol miteux de sa chambre étudiante.

— Allô ! Je suis en train de te parler.

— Désolée, c'est juste que... Je n'arrive pas à y croire.

Je hoche la tête, puis m'assois avec précaution sur son lit.

— Bon, parle-moi un peu de ta mère.

Tout à coup, l'air de Bianca s'assombrit. Mmh... Je suis peut-être allée un peu vite en besogne. Je sais que sa mère... Enfin... Que notre mère vient de mourir. Pourtant, je suis obligée de poser la question.

— OK, c'est peut-être un peu tôt. Où est-elle enterrée ?

— Je n'ai pas les moyens d'offrir une digne sépulture à ma mère, alors... Je... Je pense que ce sera la fosse commune, malheureusement. Elle ne laisse derrière elle que des dettes et une vieille maison de campagne dans le Michigan.

Voilà qui est intéressant.

— Tu es déjà montée dans un jet privé ? Question bête, j'imagine que non, tu n'as pas les moyens d'enterrer ta mère. Nous allons nous rendre dans cette maison, qu'est-ce que tu en penses ?

Une fois de plus, les yeux de Bianca s'écarquillent comme si je venais de dire une énormité.

— Qu'est-ce que tu as ?

— C'est à dire que... Je n'y suis pas allée depuis longtemps et j'ai des cours, ici. OK, je... Je crois qu'on doit tout de suite mettre les choses au clair : je suis hyper intimidée parce que tu es une superstar et tu viens de m'annoncer que nous étions peut-être soeurs jumelle. J'ignorais que j'avais quelqu'un d'autre dans ma famille, je... Tout ça est tellement nouveau, tellement précipité. Je n'étais pas prête.

Je me relève d'un bond, électrisée par sa réponse.

— Parce que tu penses que pour moi, c'est facile ?

— Tu es une star internationale, tu as sûrement énormément d'argent et d'amis mondains. On ne peut pas dire que nous avons tout à fait la même vie !

Je rêve, ou elle vient presque de me reprocher d'être là où j'en suis aujourd'hui ? Je plisse les yeux comme pour essayer de lire en elle mais pour le moment, je ne vois rien que je pourrais exploiter.

— Et tu crois que pour autant, ma vie est une partie de plaisir ? Que c'est super simple tous les jours ?

— Reconnais que tu n'es pas une étudiante en train de galérer dans sa chambre qu'elle paie une fortune.

Bon, là, elle marque un point. Je pensais que j'aurais affaire à une carpette qui se courberait en face de moi à la première occasion, mais ce n'est pas le cas. On dirait que Bianca a du répondant et ça me plaît. D'un autre côté, pouvait-il vraiment en être autrement ? Après tout, nous sommes soeurs et je suis connue pour avoir un caractère de cochon.

— D'accord, d'accord. Je te concède ça. Ça te va ? Maintenant, écoute-moi : tout ce que je veux, c'est entrer dans ta vie. Je sais que je suis peut-être un peu maladroite, mais j'ai de bonnes intentions.

Pour seule réponse, Bianca me regarde de haut en bas.

— Regarde-toi, lance-t-elle. Tu es une star mondiale au milieu d'une chambre miteuse. Alors : pourquoi ? Je veux dire... Tu n'as pas mieux à faire ?

Instinctivement, dans ma tête, j'énumère tout ce qu'effectivement, j'ai de mieux à faire. Et les idées ne manquent pas. J'ai carrément laissé tomber ma tournée pour ça.

— Tu n'es pas censée avoir des spectacles, d'ailleurs ?! reprend-elle.

— Si ça peut te donner une preuve de ma sincérité, j'ai tout annulé quand j'ai appris que j'avais une soeur et une famille. Et si tu te demandes pourquoi, c'est parce que j'ai toujours été toute seule... Merde ! Peut-être que ce n'était pas la fête tous les jours, pour toi, mais tu as eu une famille. Non ?

À ces mots, Bianca hoche timidement la tête.

— C'est ça que je voulais. C'est... Enfin, c'est un peu ce que j'ai toujours voulu, quoi. Mais bon, avec ce connard de Justin, c'est difficile de fonder quoi que ce soit. J'ai ces stupides rêves de gamine : un mari, un enfant, une maison, bref... Tout ce qu'une pisseuse pourrait vouloir. Avant d'être riche tu ne peux pas savoir que tout ce qu'il te manque, c'est tout ce que tu ne peux pas avoir et que l'argent n'achète pas. Je peux me payer des yachts, des jets et tout le reste, mais pas une famille.

— Attends, attends, tu parles bien de Justin Campbell, pas vrai ?

Je fronce les sourcils avec un air intrigué.

— Euh... Ouais ?

— J'adore ce type ! Il est super classe sur les réseaux sociaux et dans les journaux. Je ne savais pas que vous étiez ensemble.

Profond soupir de ma part. Elle me rappelle de mauvais souvenirs, celle-là. Cette fois, j'ose carrément m'allonger toute entière sur le lit.

— Ouais. Je ne sais pas non plus, en fin de compte. C'est un peu compliqué. Enfin bref, ne parlons pas de lui.

— J'ai tellement de questions à te poser, tu n'as pas idée. Je veux dire... Toute cette situation est super bizarre.

— Tu me poseras les questions dans le jet. Allons dans le Michigan !