Chapitre 6

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6.

Up and down

— Oui, euh... C'est un peu plus compliqué que ça, en vérité, me lance Nate en essayant de dissimuler sa gène.

Je lève les yeux au plafond, puis soupire. Bon sang, ce type a le don de m'agacer. Il a toujours cet air coincé, avec ses petites lunettes d'intello et ses cheveux bouclés. Il gigote dans son costard comme si j'allais lui faire la peau et qu'il cherchait la meilleure fenêtre d'esquive pour éviter mes coups de poing.

— D'accord, alors, calme-toi. Je ne vais pas t'en coller une. Enfin... Pas tout de suite. Dis-moi ce qu'il y a. Tu m'annonces que tu as trouvé ma famille, puis tout à coup, tu tires une tronche de six pieds de long.

Nate demande ma permission pour s'asseoir sur le fauteuil en face de moi, dans le jet, puis il me raconte tout ce que je veux savoir à propos de sa découverte. À mesure qu'il parle, je fronce les sourcils, de plus en plus assaillie par l'incompréhension. Ce n'est pas possible... Je ne peux pas le croire...

— Je vais annuler mes prochains concerts. J'ai besoin d'y être.

Nate écarquille les yeux et presque aussitôt, sa voix devient tremblotante.

— Mais... Mais vous ne pouvez pas, c'est... Tout est sold out.

Je balaye sa remarque d'un geste de la main en me levant.

— Je m'en tape. Dis au producteur de rembourser. Dis-lui que je ne veux pas faire les shows, que je suis malade, que j'ai un burn-out, ce que tu veux, je m'en fous, mais trouve quelque chose.

— Mais la billetterie représente plusieurs millions de dollars, ce n'est...

— Pas mon problème. Ce n'est pas mon problème. C'est ce que tu voulais dire, n'est-ce pas ?

Mon regard et ma voix ne souffrent aucune réponse. Je ne veux même pas entendre Nate respirer.

Je saisis mon téléphone pour envoyer un message à Justin. Entre le moment où j'ai quitté le restaurant et celui où je suis arrivée dans le jet, il ne s'est passé qu'une heure, en taxi. Je m'apprête à décoller. J'ai tout à coup envie de rentrer chez moi et de plaquer tout le reste. Je sais que mon agent va péter les plombs, que mon producteur va s'arracher la tête et que les spectateurs vont m'en vouloir, mais je m'en tape. Là, tout de suite, ce que je veux, c'est un peu de tranquillité et même si le plus souvent sa présence m'insupporte, Nate peut rester. Il est le seul que j'ai seulement envie de frapper et pas de circoncire à coup de truelle, purement et simplement.

[[Je vais à Palm Beach]]

La réponse fuse presque aussitôt.

[[Tu n'as pas l'intention de t'excuser, donc ?]]

[[De t'avoir traité de connard prétentieux ? Non]]

[[Pourquoi tu me préviens ?]]

[[C'est ce que font les couples]]

[[Oh, donc on est encore un couple ?]]

Bordel, ce qu'il me fatigue, celui-là. J'ai sérieusement envie de bloquer son numéro.

[[Et la tournée ?]]

[[Tu parles de mes shows destinés à faire « bander les adolescents » ?]]

[[Ouais]]

[[J'annule]]

Là, normalement, c'est le moment où il pète un câble. Quand on est un artiste, surtout aussi puissant que je le suis, il y a toujours tout un tas de vautours, autour, prêts à venir prendre une partie du gâteau des recettes. Justin en fait partie. Ce qui veut dire que si j'annule les shows qu'il reste, il perd de l'argent. Ou plutôt, il n'en gagne pas. Je ne peux pas dire que de co-produire certains de mes spectacles soit son activité principale, mais elle lui rapporte un supplément non négligeable. Et maintenant, il n'a plus qu'à s'asseoir dessus.

[[T'es sous contrat, putain ! Tu ne peux pas faire ça !]]

[[On parie ?]]

[[Tu vas te faire éclater par la production. C'est ça que tu veux ?]]

[[Ne défie jamais une latino, Justin. Jamais. À plus]]

Je verrouille l'écran de mon téléphone et le balance sur la table du jet.

— Tout... Tout va bien ?

— Oui, super bien. C'est comme ça que je pose mon téléphone tous les jours. T'es con ou tu le fais exprès, Nate ? Parfois, je me demande... Va dire au pilote qu'on va à Palm Beach.

Il déglutit, puis se lève.

— Vous... Vous êtes sûre ?

— Certaine.

Atterrissage à Palm Beach. Ses palmiers, sa plage de sable blanc et son eau turquoise. J'aurais pu apprécier, si nous n'étions pas au mois de décembre.

— Appelle un taxi, Nate. On va au campus Highlight. 

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