Chapitre 18

41 2 1
                                    

18

Disturbed

Je n'imaginais pas passer la journée avec un type comme mon mystérieux sauveur — et que ce soit aussi agréable. Il est resté relativement silencieux, penché au-dessus de son bureau, à compiler des notes. J'ai eu l'impression que nous étions deux colocataires qui n'avaient rien à se dire. C'était sympa de profiter un peu du silence. Je n'ai même pas abordé le sujet de cette nuit, avec lui. Il m'a proposé son hospitalité et je ne suis pas en position de la refuser.

Sur les coups de 19 h, le type dont je ne connais toujours pas l'identité se lève de sa chaise, puis ouvre la porte de sa chambre pour récupérer une commande.

Je fronce les sourcils en le voyant déballer un menu asiatique. D'ailleurs, j'ai la dalle, maintenant que j'y pense. Je n'ai rien mangé de la journée.

Sans prononcer le moindre mot, il avance vers moi, puis dépose un plat sur mes genoux, accompagné de baguettes.

— Euh, je... Merci ?

— Je ne t'ai pas demandé si tu avais faim, ou si tu aimais ce genre de repas, mais bon...

Attentionné, à ce que je vois. Pourtant, je ne le paie même pas. Autant, quand Nate s'occupe de moi de la sorte, je comprends que c'est parce qu'il est payé. En revanche, lui, n'est pas du tout obligé d'avoir de telles attentions à mon égard. J'apprécie.

— C'était quoi, cette scène avec Cole, tout à l'heure ?

J'aurais dû m'en douter. Le moment du repas : l'occasion de discuter un peu plutôt que de rester comme deux inconnus silencieux dans la même pièce. J'ai eu le temps d'analyser un peu sa chambre et son comportement. J'ai l'impression qu'il est assez renfermé sur lui-même. Je ne saurais même pas dire sur quoi il a travaillé tout l'après-midi. Je ne suis même pas sûre que ce soit sur ses cours, puisqu'il a passé son temps à écrire.

— Il ne méritait pas mieux, rétorqué-je sèchement.

J'engouffre un ravioli dans ma bouche.

— Ça, c'est clair.

— Tu l'as pas mal amoché aussi.

— Déçue que je t'aie volé la vedette ? Tout le campus s'est enflammé à propos de cette histoire.

Je souffle du nez, tout en étirant mes jambes. J'ai passé l'après-midi entière à regarder les commentaires à propos de l'interview de Bianca, en tailleur. J'ai l'impression d'être tout engourdie.

— Tu n'étais pas obligé de lui coller une droite.

— Mais reconnais que c'était plaisant. Il n'avait pas à s'en prendre à toi physiquement.

— Et depuis quand est-ce que je te demande de l'aide ? Je ne connais même pas ton nom.

Mon chevalier servant fronce les sourcils, puis me regarde avec un air sévère.

— Tu aurais préféré que je le laisse te brutaliser ?

— Je m'en sortais très bien toute seule.

— J'ai vu ça, ouais. Et j'imagine que mon aide n'est pas requise non plus, pour ce soir ?

D'accord, il marque un point. Je suis contrariée et je décide de ne pas répondre. Une fois le repas terminé, épuisée, je me lève en balayant la pièce du regard, espérant trouver un endroit où dormir. C'est minuscule, ici, je ne vois pas comment nous allons pouvoir nous reposer à deux...

— Qu'est-ce que tu as ?

— C'est gentil de m'avoir proposé de dormir ici et je te remercie pour le repas, mais il n'y a qu'un seul lit.

— Nous allons le partager. Tu n'as jamais dormi avec quelqu'un, ou quoi ?

— Pour qui tu me prends, au juste ?

Il hausse les épaules, puis me regarde de haut en bas.

— À vrai dire, je n'en sais rien. Tu as fait une véritable crise, aujourd'hui. Je ne te connais pas particulièrement bien, mais je me rends compte que tu as quand même ton caractère.

Nous nous installons dans le lit. OK, je crois que si Justin savait ça, il me clouerait sur place mais ça n'a plus la moindre importance, maintenant. Depuis que j'ai changé de vie et surtout depuis notre dernière rupture, j'ai l'impression que nous avons rompu Comme si nous nous étions éloignés l'un de l'autre. J'ai le coeur lourd lorsque je me couche. Même si Justin se comporte avec moi comme un véritable connard, il est la seule personne qui m'éloigne de la solitude la plus absolue. Enfin, j'imagine qu'à l'université, j'aurai les moyens de rencontrer d'autres personnes. Ça me fera des amis, au moins pour quelques temps. Ensuite, je reprendrai tranquillement ma vie et je n'aurai plus besoin de dormir avec des étudiants ronchons.

— Tu as passé l'après-midi à écrire, tenté-je. Tu as un projet en tête ?

— Et pourquoi j'en aurais un ? rétorque-t-il en essayant de s'écarter de moi au maximum. J'écris seulement pour moi. Pour personne d'autre.

Je lève les yeux au plafond.

— Oh, je vois... Tu te la joues artiste maudit. Tu ne m'as même pas dit ton nom.

— Tu ne m'as pas remercié.

Je souffle du nez en tournant la tête vers lui. Il a beau essayer de s'écarter de moi autant qu'il le peut, le lit est minuscule. Nous sommes serrés l'un contre l'autre et je meurs de chaud. Pour me changer, il m'a proposé de porter l'un de ses t-shirt, pour la nuit. Je suis bien loin du confort de mon appartement. Bianca, elle, doit vraiment se régaler avec le king size.

Rah, bon sang... Non seulement je suis collée à lui mais en plus, j'ai son odeur dans le nez en portant ses fringues. C'est terrible.

— Je n'avais pas besoin de toi.

Silence pesant. Il ne répond rien. La chambre est plongée dans le noir total.

— Demain, tu sais que tu auras des ennuis, pas vrai ?

— Je m'en fiche. Je les règlerai à ma façon.

— Tu ferais surtout mieux de ne pas trop bouger le bras et d'éviter de te faire cogner dessus. Puisque tu ne veux pas de mon aide, alors je ne te l'apporterai pas. Enfin bref, j'ai un peu regardé les réseaux et tu as fait le tour du campus. Prépare-toi à ta nouvelle célébrité, demain. Tu ne vas pas te faire que des amis.

S'il savait à quel point je m'en fiche. La célébrité, ce n'est pas exactement ce qui m'effraie. Loin de là. En revanche, je ferais mieux de ne pas trop attirer l'attention sur moi. Là-dessus précisément, je reconnais que c'est dangereux.

— On verra bien.

De nouveau, silence.

— Percy. Je m'appelle Percy.

Twins CampusWhere stories live. Discover now