Chapitre 9

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9.

Michigan

Jamais je n'aurais pensé voyager en jet. Lorsque Camilla m'a proposé cela, j'ai d'abord pensé à une blague. Et puis, j'ai vu qu'elle était, au contraire, extrêmement sérieuse. Passons pour le côté écologique... Elle m'a dit que ce serait beaucoup plus rapide que de prendre un billet d'avion comme les autres et que, de toute façon, le jet était à elle — et à Justin.

Quand ma « soeur » m'a tendu la main sur le tarmac pour m'aider à grimper, je me suis demandé : est-ce bien raisonnable de s'engager dans une folie pareille ? Je la connais à peine. J'ai l'impression de savoir qui elle est grâce aux réseaux sociaux mais au fond, je ne sais rien d'elle. Je ne savais pas si j'étais en train de vivre un rêve éveillé ou une mauvaise blague qui finirait par se transformer en cauchemar. La frontière entre les deux est parfois si fine qu'elle en devient difficile à distinguer.

Après tout, qu'est-ce qui me retient ici ? Un campus dans lequel je n'ai qu'une chambre miteuse ? La tentation de monter avec une superstar dans un jet privé était beaucoup trop grande.

Et une fois à l'intérieur...

— Fais comme chez toi, lance Camilla en s'asseyant et en posant les pieds sur le siège.

Je reste figée. Plantée dans la moquette de l'avion comme un tournesol. Je n'ai jamais vu autant de débauche de luxe. Sièges de cuir, mobilier contemporain et brillant, mini-bar à disposition et même un assistant, qui semble suivre Camilla comme son ombre depuis notre arrivée.

— Justin n'est vraiment pas content, mademoiselle... Il...

Elle balaye les propos du jeune homme d'un geste de la main.

— Je me fous de Justin, OK ? Qu'il aille se faire rôtir le cul sur une plancha. Tu m'as dit que j'avais une famille, maintenant j'ai envie d'en profiter. Va dire au pilote que nous allons dans le Michigan. Où, déjà ?

— Près de Newberry, rétorqué-je immédiatement.

J'ai le trac. Il y a des années que je ne suis pas retournée dans cette maison. Lorsque j'ai décidé de quitter le Michigan pour faire mes études à Palm Beach, j'ai tout laissé derrière-moi. Y compris ma relation avec ma mère. En vérité, ce n'est qu'à quelques heures de vol, mais on dit « loin des yeux, loin du coeur ». Ça n'a jamais été aussi vrai que dans mon cas. Et dans le sien. J'ai toujours été une fille solitaire avec des rêves bien ancrés en tête. J'avais soif d'accomplissement. Et puis, ma mère avait toute sa vie, dans le Michigan. Je savais qu'elle n'était pas seule. Maintenant, j'ai peur de l'état dans lequel se trouve la maison.

Durant le vol, nous n'échangeons pas grand chose, avec Camilla. Elle a surtout les yeux rivés sur son téléphone. Comme si je n'existais pas. Par moment, elle retire ses écouteurs pour donner des instructions à Nate, puis elle les visse de nouveau dans ses oreilles, l'air de rien. Elle est vraiment à cent à l'heure.

En face d'elle, confortablement installée dans le siège, je tente d'imprimer chaque trait de son visage sur ma rétine. Je m'interroge. Je pèse le pour et le contre. Est-ce que je suis en train de rêver ? Est-ce qu'on se ressemble tant que ça, elle et moi ? Plus je l'observe, plus je suis en mesure de répondre par l'affirmative. Nos visages sont similaires. En vérité, la seule différence entre elle et moi, c'est l'argent et la manière dont cela a significativement marqué son corps. Nous avons beau être de prétendues « jumelles », j'ai l'impression que nous n'avons que le naturel en commun et que le reste n'est qu'une immense fracture sociale que je ne pourrai jamais combler.

Nous arrivons enfin dans le Michigan, près de Newberry. En plein de mois de décembre, il y a plusieurs centimètres de neige et le froid me glace la chair et les os.

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