Chapitre 25

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Take a breath

Nate avait l'air préoccupé par mes paroles, l'autre soir. Après que je lui ai avoué mon envie persistante d'en finir, il s'est muré dans le silence à ce sujet. Nous avons simplement passé un bon moment, lui et moi, au bord de cette plage et plus particulièrement, dans cette fête foraine. Je crois que je ne m'étais pas sentie aussi vivante depuis longtemps. Débarrassée de ma peau d'étudiante, j'ai l'impression de retrouver le sourire dans celle de Camilla. Certes, sa vie est pleine de désavantages et d'obstacles, mais elle n'en reste pas moins plus agréable à vivre que la mienne.

Il est 8 h du matin, lorsque Nate me récupère pour nous rendre dans les bureaux de AD Production.

— Qu'est-ce que nous allons faire là-bas ? demandé-je.

— C'est une tradition, pour Camilla. Elle a rendez-vous avec son producteur, puis elle fait un point sur les chiffres des ventes.

J'opine du chef sans relever davantage, puis nous pénétrons dans l'immense tour flanquée des initiales du label de musique. Lorsque j'entre, je suis tout de suite accueillie avec de grands sourires. On prend soin de récupérer mon manteau à l'entrée, de me servir une tequila dans un gobelet en carton, puis on me dirige naturellement vers le bureau de la personne en charge de ma carrière. Je dois dire que je n'imaginais pas, en tant que Bianca, pouvoir me rendre un jour dans un lieu pareil. Même les gens qui travaillent ici ont l'air différents de ceux que je côtoie à l'extérieur. C'est comme s'il y avait une aura, une enveloppe particulière qui leur donnait un charisme époustouflant. Ils sont dans l'industrie du disque. Ils travaillent avec ceux qui font rêver des millions de personnes et moi, je suis là, servie par ces gens avec toute la diligence qu'une reine mérite.

C'est presque si les employés d'AD production ne béniraient pas le sol à mon passage.

Nate est toujours à mes côtés, lunettes sur le nez, impassible. Il ne prononce pas un mot.

— Quelque chose ne va pas ?

— Tout va bien, madame.

— Tu peux me parler normalement, je te l'ai déjà dit.

— Nous sommes dans un lieu public, marmonne-t-il.

J'oublie souvent que les murs ont des oreilles.

— Et alors ?

— S'ils nous entendent nous parler avec tant de familiarité, ils pourraient s'imaginer des choses qui sortiraient aussitôt dans la presse. Vous n'avez pas idée à quel point vous êtes surveillée, madame.

Je ne prononce pas un mot de plus et passe la porte du bureau de mon producteur, située au dernier étage de la tour. D'ici, il a une vue imprenable sur New York. Il est à noter que Nate m'a expliqué bien des choses en chemin, à propos de lui et de la façon dont je suis censée me comporter avec. Il y a différents acteurs qui interviennent dans la carrière d'un artiste musical. Il y a tout d'abord le manager, qui est censé réguler l'emploi du temps, ainsi que les rendez-vous. Ensuite vient l'agent, qui défend les intérêts de son artiste et s'occupe de lui dégoter les meilleurs contrats. Et tout en haut de cette pyramide se trouve le producteur. Lui, m'a dit Nate, c'est Dieu. C'est lui qui avance l'argent et tous les frais pour que le rêve devienne possible et à la fin, si tout fonctionne bien comme il faut, il encaisse un sacré paquet de pognon. En d'autres termes, le producteur est le capitaliste ultime : c'est lui qui détient les capitaux et il investit.

De ce que j'ai compris, lorsque Camilla était encore au tout début de sa carrière, avant l'explosion de son premier album, elle se produisait dans des bars, à New York. Elle n'était même pas payée. Elle avait le droit de boire et de manger. C'est tout. C'était donc, pour elle, une façon de subsister sans avoir besoin de gagner d'argent. Il paraît qu'elle ne se nourrissait pas de la journée, puis s'empiffrait le soir aux frais des établissements dans lesquels elle chantait. Coup de chance, une vidéo d'elle en train de performer est devenue virale sur les réseaux sociaux et c'est là que le producteur lui est tombé dessus. Il a financé son premier album qui a été un succès planétaire, et la voilà ! Le deuxième album est sorti récemment, il fait moins de bruit que le premier, mais c'est toujours pareil, apparemment. En somme, je n'ai pas de quoi m'inquiéter. Si tout se passe bien, il devrait se contenter de me féliciter pour mes performances, puis me demander de retourner sur scène. Camilla a tapé une sacrée crise en annulant tous les shows.

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