Chapitre 44

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New rules

— T'es prête ? demande Nate.

Je souffle un grand coup, puis avise ma guitare, posée sur la table de la loge. Devant la scène, le public m'attend. Cette fois, ce n'est pas Camilla, qu'il réclame, mais bien moi. Avoir échangé nos rôles m'a permis de constater une chose : j'ai une voix et je peux m'en servir. J'en ai le droit. Parce qu'il n'y a rien de plus facile que de créer. Écrire de beaux textes qui résonnent dans le coeur des gens est à la portée de tous. Tout ce dont on a besoin, c'est d'un papier et d'un stylo. C'est peut-être l'activité la moins coûteuse qui soit et pourtant, elle apporte tellement de bonheur ! Jamais je ne me suis sentie aussi bien que depuis que je mène cette vie.

Je ne suis pas une tête d'affiche immense comme on peut en trouver dans le top 100 des chansons les plus écoutées aux États-Unis et dans le monde, je ne côtoie pas les plus grandes célébrités de ce monde, mais je commence à me faire une place dans le milieu. À coup de scènes, de vidéos publiées sur internet, je suis une étoile montante. En tout cas, c'est ce qu'ils disent tous. Surtout Nate, depuis qu'il est devenu mon manager.

— Je stresse.

Un beau sourire s'étire sur le visage de mon compagnon. Il s'approche de moi, me prend dans ses bras, puis m'embrasse tendrement.

— Tu sais qui doit stresser, en ce moment ? Tous les artistes qui ont les yeux braqués sur toi et qui commencent à comprendre que dans moins de deux ans, tu seras à leur place.

— Tu... Tu crois ?

Nate glisse une mèche derrière mes oreilles.

— Tu es la meilleure. Tu composes et tu chantes avec ton coeur. Avec une sincérité sans pareille. C'est ça, dont nous avons tous besoin, aujourd'hui : de sincérité et d'authenticité.

Je secoue la tête en essayant de cacher le sourire qui illumine mon visage.

— Tu as un don pour trouver les bons mots, mais j'ai peur : et si tout cela n'était que passager ? Et si demain, les gens ne m'aimaient plus ?

Pour seule réponse, Nate hausse les épaules.

— Moi, je t'aimerais toujours. Maintenant, va sur scène et montre-leur ce qu'est une vraie artiste.

* * *

Bon sang, ce qu'il caille !... Quelle idée j'ai eu de m'installer dans le Michigan ? J'ai un énorme blouson sur les épaules et en voyant la maison, rebâtie comme elle le mérite, je suis fière et satisfaite. Elle était la maison de mon enfance, celle que je n'ai jamais eu la chance de connaître et j'aimerais prendre une revanche sur la vie en lui redonnant la chaleur qu'elle mérite.

Je me frotte énergiquement les bras en regardant Percy garer la voiture, chargée de bois, à l'arrière.

— Enfin, tu es là.

— Désolé, ça a traîné, lance-t-il en claquant la portière.

Si je devais écrire un livre sur ma vie, je serais absolument transparente sur tout ce qu'il s'est passé, ces derniers mois. Ils ont été à la fois les plus inquiétants et les plus merveilleux de mon existence. Il y a eu des hauts, des bas, mais surtout des émotions. Je n'ai plus touché ni à un verre de tequila, ni à une clope — grâce à Percy. Même s'il n'a pas l'air d'en être un, c'est un ange gardien qui veille sur moi en toutes circonstances. Et surtout, ça n'aurait pas été bon.

Nous attendons un heureux événement qui va, une fois de plus, bouleverser nos vies. Je suis enceinte de six mois et même si j'ai franchi toutes les barrières et crevé tous les plafonds dans ma carrière artistique, c'est sans doute mon plus grand défi à relever : la maternité.

Au début, Percy était effrayé. Il avait peur de ressembler à son père. Mais sa soif de revanche vis-à-vis de son histoire l'a poussé à prendre ce challenge à bras le corps. Il ne veut pas seulement être un père : il veut être un père parfait et rien ne l'en dissuadera. Dès l'instant où il a su que j'attendais son enfant, il a pris son rôle à coeur et a décidé de refaire toute la chambre pour accueillir ce petit être de la meilleure façon. Il se sent désormais investi d'une mission : rénover toute la maison pour qu'elle soit la plus chaleureuse possible. Nous avons effectué d'énormes travaux et pour le moment, coulons des jours heureux dans le Michigan grâce à l'argent qu'il me restait après avoir payé mes dettes auprès de Justin et Anton. Ils se sont arrangés pour me ponctionner autant qu'ils le pouvaient, mais cela m'a quand même laissé suffisamment sur mon compte pour me permettre de vivre tranquillement et de racheter la maison de la mère que je n'ai jamais connue.

Je n'aurai probablement jamais d'explications sur ce qui l'a poussée à m'abandonner de cette façon. Bianca et moi avons échafaudé de nombreuses théories sur le sujet et la plus probable était un coup du destin : notre mère était jeune et n'avait pas les moyens financiers de s'occuper de deux enfants. L'une de nous deux devait partir. Ce fût moi et même si je le regrette, j'ai l'intention de me rattraper et de donner une mère à ma fille. Ainsi qu'un foyer stable et aimant.

— Ce n'est rien.

Je vais pour l'aider à décharger la voiture, mais Percy m'arrête immédiatement.

— Où penses-tu que tu vas, là ?

— T'aider.

— Sûrement pas, miss-enceinte. Retourne lire dans ton fauteuil, ou faire du tricot. Je m'occupe de tout, lâche-t-il avant de déposer un baiser sur mes lèvres.

Je roule des yeux.

— Qui aurait pu imaginer que tu serais un homme parfait, finalement ?

— Tout le monde, chérie, tout le monde.

Je lui donne une tape dans le dos, puis une autre sur les fesses, avant de le laisser entrer dans notre maison. Finalement, je me retrouve dans ce rôle d'artiste semi-retraitée, qui compose dans sa chambre et Percy, dans celui d'auteur qui prend son temps à finaliser son roman. Cette vie me convient. J'ai envie d'en profiter et d'en savourer chaque instant. 

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