Chapitre 5

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5.

Dead inside

— Allô ? Oui, euh... J'ai bien reçu votre mail. Oui... C'est moi. Bianca Demerino. Mmh mmh.

J'essaye de ne pas être trop bruyante. Je ne m'attendais pas à ce coup de fil dans la bibliothèque universitaire du campus. Elle est immense, mais j'aperçois déjà la bibliothécaire qui me regarde avec des éclairs dans les yeux. Elle s'apprête à m'invectiver et à me lancer son fameux : « chht ». Si elle savait...

Pour étouffer un peu le son de ma voix, je colle ma main contre le téléphone.

Que le ciel me tombe sur la tête... Les pompes funèbres ! Forcément, puisque je suis la seule famille de ma mère et que mon père est aux abonnés absents depuis des lustres, c'est sur moi que ça tombe. Je suis le seul numéro d'urgence. Je suis assaillie de questions : crémation ? Enterrement ? Cérémonie ? Cercueil ? Emplacement privé ? Fosse commune ? Autant de termes que je n'étais pas prête à entendre.

— Eh bien, je suis étudiante, alors, je... Je voulais savoir le prix.

Autour de 5000 dollars. Autant le dire tout de suite : pas du tout dans mes moyens. Je suis à des années lumière de pouvoir payer ce genre d'enterrement.

— Je dois en parler avec une amie de ma mère. Peut-être que... Enfin, peut-être qu'elle pourra m'aider ? Oui... Oui, je comprends. Je vous tiens au courant dans la journée.

Je raccroche aussi sec. Bon sang, comment est-ce que j'ai pu me retrouver dans une telle merde ? D'accord, les choses n'allaient pas particulièrement bien depuis quelques temps, mais ce n'était pas une catastrophe à ce point. Je n'ai pas du tout le budget pour enterrer ma mère. Bordel, rien que de le penser... Rien que de formuler ces mots dans ma tête et de nouveau, je suis submergée par une vague de tristesse intense. Enterrer ma mère. Personne ne devrait avoir à traverser ce genre d'épreuves et pourtant, tout le monde y passe tôt ou tard, je suppose.

Lorsque tout va mal comme ça, j'essaye toujours de relativiser. De me dire qu'il y a dix fois, voire, cent fois pire situation que la mienne. Je suis citoyenne américaine, je fais des études de littérature pour devenir professeure de lettres, et j'ai un petit job à côté qui me permet de subvenir à mes besoins.

J'ai aussi un prêt étudiant sur le dos et ma mère vient de mourir. J'ai beau tenter de relativiser, je reconnais que parfois, c'est difficile.

Note pour mon calepin : « Visiblement, mon compte en banque ne me permet actuellement pas de mourir. »

Allez, allez, Bianca : du courage. Il y a pire endroit où vivre que Palm Beach. Je pourrais me trouver... Je ne sais pas, moi... À Denver ? À Houston ? Ça peut toujours être pire. Au moins, j'ai le soleil. Du mois de décembre, mais quand même...

Je masse mes paupières à l'aide de mes pouces pour m'empêcher de pleurer, lorsque Cole fait son apparition à ma table de travail.

— Ça va, bébé ?

Quand il est d'humeur à m'appeler comme ça, c'est qu'il souhaite quelque chose en retour et je sais très bien de quoi il s'agit. Mais je n'ai pas du tout la tête à ça.

— Non. Ma mère est morte, Cole.

— Merde... Je suis désolé.

À la tête qu'il tire, je devine qu'il est effectivement désolé, mais uniquement parce qu'il a compris qu'il ne pourrait pas obtenir ce qu'il veut dans l'immédiat.

— Tu veux peut-être que je te laisse un peu seule ?

— Dans un couple il faut se soutenir. Et... Sincèrement, j'ai... J'ai besoin de toi, là, parce que rien ne va. Je suis à deux doigts de craquer à chaque instant, toute ma vie part complètement en sucette et je n'ai rien à quoi me raccrocher à part... Toi.

Twins CampusTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang