Chapitre 40

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The end of my world

[[J'arrête]]

Je me doutais que ce moment finirait par arriver, mais le timing est bon. Très bon, même. Assise à côté de Percy, nous attendons patiemment l'arrivée de la police pour être interrogés à propos de ce qu'il s'est passé lors de la soirée de Jessica. Bien sûr, Vicky et ses amies seront là pour témoigner en faveur de Cole. Ce qui signifie que nous sommes seuls contre tous. Rien ne peut nous tirer d'affaire, à part moi. La vraie moi.

— Percy, tu m'écoutes ?

Mon partenaire est nerveux. Il se ronge les ongles comme un détenu dans le couloir de la mort. Il sait qu'il est fichu. Personne ne pourra lui venir en aide.

— Toi, écoute-moi. Tu n'as rien à voir dans tout ça, OK ? Dis-leur ce qu'ils veulent entendre et charge-moi s'il le faut.

— Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?

— Je n'ai rien à perdre alors que toi, tu es brillante. Tu as tout l'avenir devant toi. Ne gâche pas tout pour moi.

Je secoue la tête, sans lui laisser le temps de continuer.

— Ferme-la, crétin. Tu as fait ça pour me défendre.

— Ne te mets pas plus dans les ennuis que tu ne l'es déjà. Tu n'as qu'à dire que je suis un forcené qui vous a attaqué pendant que vous baisiez dans la salle de bain. Tu récolteras l'argent de la famille de Cole et tu pourras t'en sortir.

— T'es dingue ?!

Percy me prend par les épaules et pose ses yeux sur les miens avec la plus grande tendresse. Il essuie une larme sur ma joue.

— Je n'ai rien à foutre de cette vie, Bianca. Rien. Tu es la seule bonne chose qui me soit arrivée en vingt-cinq trop longues années. Je suis fatigué, tu comprends ? Fatigué de toujours devoir me battre pour des miettes, de survivre, de porter toute cette colère en moi. Ça ira. Ne t'inquiète pas pour moi.

— Ne leur dis rien, ils n'ont aucune preuve ! Tu es con ou tu le fais exprès ?! N'avoue pas ! Tu m'entends ?!

— C'est trop tard. Tu sais bien qu'ils ne s'encombreront pas de tout ça. Je ne suis qu'un gamin des rues qui a fait différents foyers et trop de familles d'accueil. C'est déjà un miracle que je sois arrivé jusqu'à l'université. C'était trop beau pour être vrai, Bianca. Laisse-tomber.

Je refuse. Je ne peux accepter que Percy finisse derrière les barreaux à cause de Cole et d'une injustice pareille. Il est bien coupable de ce dont on l'accuse. Il a violenté Cole et a probablement failli le tuer, mais c'était pour me défendre et j'ai ma part de responsabilité dans cette affaire. Je ne peux la nier.

— Non, Percy. Tu ne vas pas aller derrière les barreaux.

— Ah oui ? Et tu as une solution tirée de ton chapeau, peut-être ?

Je n'aime pas le ton qu'il prend. Sur la reproche. Aussitôt, il se rattrape :

— Pardon... Je suis un peu nerveux, c'est tout. Ce n'est pas tous les jours qu'on s'apprête à passer plusieurs années en taule à cause d'un connard.

— Je dois te confier quelque chose. Un secret dont je ne t'ai jamais parlé.

Percy se tourne vers moi. Nous avons encore un peu de temps avant que la police n'arrive. Il a décidé de ne pas fuir ses responsabilités et de les affronter en homme. Cela nous permet de voler à l'univers quelques instants rien que tous les deux.

— Je ne suis pas celle que tu penses.

Merde, c'est beaucoup plus difficile à dire que ce que j'imaginais. Je me suis joué cette scène dans ma tête des dizaines de fois. Moi, avouant à Percy que je suis en vérité Camilla Estadillas et lui, surpris, hésitant à poursuivre notre relation. C'est aussi pour ça que j'ai décidé de ne pas lui révéler mon identité. Je me doutais qu'ensuite, plus rien ne serait jamais pareil. Nous allions forcément dériver sur une relation biaisée. Ce n'était pas ce que je souhaitais. Et puis, après ce qu'il a dit à propos de moi lorsque nous étions dans la chambre... J'ai constaté qu'il avait une très mauvaise image de l'artiste que je suis. Je me suis dit, finalement, que ces révélations me desserviraient plus qu'elles ne m'aideraient à le garder auprès de moi. Mais pour combien de temps ? Je savais que ce jour viendrait. Il ne pouvait pas en être autrement. Je ne pouvais pas cacher ce secret indéfiniment.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Mon nom n'est pas... Bianca. Et... Je suis un peu plus importante que tu ne le crois.

Percy fronce les sourcils mais je sens bien que sa curiosité est piquée.

— Je suis Camilla Estadillas, lâché-je d'un souffle.

Au début, son visage se fige et puis, même devant la gravité de la situation, soudain, Percy éclate de rire. Comme si je venais de raconter bonne blague.

— Je ne plaisante pas.

— Mais bien sûr. C'est vrai que vous avez quelques airs communs, mais ne me prends pas pour un con non plus, Bianca.

— Je te jure que c'est la vérité. J'ai décidé d'échanger ma place avec ma soeur jumelle qui se trouve être Bianca. Mais moi, je suis Camilla.

Percy commence à douter, mais il est toujours suspicieux.

— Tu peux le prouver ?

— J'ai une idée.

J'attrape mon téléphone et me connecte à mon Instagram. Mon vrai. Lorsque Percy voit le compte apparaître sous ses yeux ébahis, il entrouvre la bouche et reste silencieux.

— Ce n'est pas...

— Possible ? Si. Je ne suis pas une menteuse. J'ai voulu te dire la vérité. Plusieurs fois. Mais je ne sais pas pourquoi, j'avais en tête que notre couple n'y survivrait pas.

Dans le milieu du show-business, on dit qu'il ne vaut mieux pas traîner avec des personnes inférieures à soi en terme d'importance ou de popularité. Il en va de même pour les relations amoureuses. Parce que tout de suite, on sombre dans la paranoïa la plus totale : on s'imagine que la personne n'est pas là pour les bonnes raisons, même si ses sentiments sont sincères. Et maintenant que j'ai révélé tout ceci à Percy, j'ai conscience que nous ne pourrons pas continuer de manière saine.

— Merde, j'ai l'impression que toute notre relation n'était qu'un putain de mensonge, Bianca. Enfin... Camilla, ou peu importe comment je suis censé t'appeler. Et dire que j'ai dit que Camilla Estadillas n'était qu'une conne...

— Ça m'a fait mal, mais je peux comprendre. C'est peut-être l'image qu'on se fait de moi. Mais je veux que tu saches que je suis avec toi, Percy. Tu t'es sacrifié pour moi sans que je ne te demande rien et tu m'as ouvert les yeux sur ma propre personne. Je... Je ne vais pas te laisser dans cette situation. Je vais utiliser mon influence et ils me croiront. Tu n'iras pas en prison, d'accord ?

Percy se lève en entendant les voitures de police arriver. Ils n'ont même pas la délicatesse de l'arrêter en dehors du campus. Mon camarade est empoigné par les forces de l'ordre, qui l'entraînent sans ménagement à l'intérieur du véhicule. Il n'a pas dit le moindre mot depuis que je lui ai déclaré mes intentions de l'aider. Tout ce qu'il m'a jeté, c'est un regard noyé de tristesse. Je l'ai trahi. Toute cette relation que nous avons construit ensemble était en vérité bâtie sur un mensonge et je vois bien qu'il ne peut le digérer.

Je le regarde être emmené, un poignard au fond du coeur.

Twins CampusWhere stories live. Discover now