3. Un os dans le gratin

38 7 75
                                    

Helen débarqua à la morgue le lendemain midi. Laura était en train de discuter avec Ryan de sa thèse lorsque l'inspectrice frappa à la porte de son bureau. L'assistant, satisfait de la conversation, s'esquiva sans protester et Helen se coula dans le siège en face de Laura.

— Il est encore là, lui ? Il a l'air plus vieux que moi !

— La légale prend du temps. Il termine cette année.

— Mais est-ce qu'il est plus vieux que moi ?

— Un an, je pense.

— Mince.

L'enquêtrice haussa les épaules.

— Bon, j'ai lu ton rapport, et si je lis entre les lignes... On cherche un mastodonte de deux mètres ?

— Disons que... ça a dû demander pas mal de force, oui.

— Est-ce que c'est possible que le gars soit debout sur un siège, par exemple, et qu'il frappe...

Elle se leva et fit mine de grimper sur son fauteuil, une chaise tournante à la stabilité incertaine.

— Pas besoin de ça, s'exclama Laura. Je vois ce que tu veux dire... Oui, c'est possible, mais... Zasf...

— Appelons-le Zaffy, d'accord ? Je ne vais pas m'esquinter la langue en plus du cerveau.

— Il y a eu plusieurs coups... Probablement plus d'une vingtaine. Un gars qui s'approche, qui prend une chaise... ça demande une certaine organisation...

— Zaffy dormait peut-être.

— Zaffy se serait réveillé au premier choc. Mais peu importe : s'il y a eu chaise, les taches de sang doivent pouvoir le dire.

— Laura, il n'y a même pas d'empreintes de pas dans toute cette soupe. Et pourtant, tu es témoin...

— Bolognaise.

— Bolognaise.

Laura secoua la tête. Elle n'aimait pas la tournure que prenait cette conversation. Le meurtre improbable. Pourtant il y en avait eu mille autres, avant : des cas compliqués, un manque de preuve, des assassins intelligents, et il n'y avait jamais rien eu de paranormal là-dessous.

— Bon, autre chose. Tu places la mort à... entre 20 et 22 heures, la veille ?

— C'est ça.

— Il y avait du monde jusqu'à 21 heures environ, on a un témoin qui l'a salué avant de partir... et puis les accès au bâtiment étaient fermés à partir de 21 heures aussi, ça aide.

L'inspectrice eut un sourire.

— Mais j'aime bien. C'est stimulant, un truc bizarre de temps en temps. Ça me change des règlements de comptes à la sauvette.

— Et ici, c'est quoi alors, ta théorie ?

— Pour l'heure, aucune ne se dégage. Mais nous parlons de criminologues, ils sont fatalement calés en meurtre parfait. Ils le croient, du moins.

— Tu as déjà restreint le cercle des suspects, alors ? Tu penses que c'est quelqu'un de son entourage professionnel ?

— Disons qu'il n'y a pas eu vol... et il y a eu acharnement. Donc... Oui, ça restreint le cercle, c'est sûr.

Elle se leva.

— Je reviendrai te tenir au parfum. Je sais que tu aimes bien ça... détective ratée.

— Ah mais c'est gentil !

Helen lui décocha un clin d'œil et sortit. Laura demeura quelques instants en silence, un sourire sur le visage. Il y avait des gens qui, immanquablement, transportaient leur bonne humeur avec eux, la distribuant sans compter. La jeune inspectrice en faisait partie. Dire que New Tren se farcissait le tandem Haybel – Sorvet. Certains lieux étaient sinistrés.

Sain d'Esprit (Laura Woodward - tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant