24. Enquête et trahisons (2/2)

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— Comment se passent tes cours ? reprit le psychologue brun, sans doute face à son silence. J'ai entendu dire que tu avais opté pour une méthode interactive ?

Laura se carra sur sa chaise et s'autorisa un étirement. Ses yeux recommençaient à piquer malgré la nouvelle dose de caféine.

— Ah. Oui. Ce ne sont pas des médecins, ils doivent juste comprendre les bases. Alors je les fais jouer au petit détective. Ça a l'air de fonctionner pas trop mal et ça les oblige à utiliser leurs acquis. Une partie d'entre eux deviendront officiers de police. Ce n'est jamais perdu.

Il acquiesça et bâilla à nouveau derrière ses paumes, ce qu'elle imita en miroir.

— C'est sûr. Je commence seulement les cours en septembre. Je dois dire que j'appréhende un peu. Les jeunes de la capitale... Ils vont rire de mon accent, de mes tournures de phrase... Je ne suis pas sûr que je vais être très bon à ce jeu.

— Les étudiants de Bryne sont si différents ?

— Déjà, nous nous comprenons, ce qui n'est pas rien.

— Tu exagères. Je te trouve parfaitement compréhensible, moi.

— Tu n'imagines pas les efforts que ça me demande.

Elle haussa un sourcil incrédule mais il demeura parfaitement sérieux, sans lui faire la moindre ouverture. 

— Mais beaucoup des étudiants de Fernbridge viennent d'ailleurs dans le pays, reprit-elle.

— Pas de Bryne. Ils sont cent-douze sur un peu plus de trente-et-un mille. J'ai vérifié dans les statistiques.

— Ah oui, ça ne fait pas beaucoup.

Il la gratifia d'une grimace éloquente.

— Allons, ce ne sera pas si terrible. Je suis sûre que tu t'en sortiras.

— J'aimerais avoir cette certitude. Cet endroit est beaucoup plus déroutant que je ne l'avais imaginé. Et le fait que Gwen soit aussi occupée... et qu'elle s'adapte aussi bien... C'est déstabilisant. Mais aussi la preuve que c'est possible. C'est une question d'état d'esprit. Bon, je ne suis pas surpris qu'elle y arrive plus facilement que moi, elle a toujours été... moins brune que la moyenne.

Laura haussa les sourcils. Elle était un peu surprise par la franchise de son interlocuteur, mais c'était exactement ce qu'on disait des Bruns, qu'ils avaient tendance à dire les choses telles qu'elles étaient, sans les dissimuler sous des banalités ou de la diplomatie, en se souciant peu des convenances.

— Je ne m'imaginais pas aussi psychorigide.

— C'est une question de temps... d'adaptation...

— Tu es de Murmay, toi ?

— Oh oui.

En réalité, elle ne savait pas si Nathanaëlle en était originaire, mais elle ne croyait guère au poids du sang.

— Ça doit avoir des avantages.

— Je suppose. On est blasé de naissance. Un peu fataliste. Rarement choqué.

Un beau mensonge. Certaines vérités étaient impossibles à écarter d'un haussement d'épaules.

— Comme émoussé, alors.

— Mmm, pas complètement. Je suppose qu'on peut être blasé mais sanguin ?

Leur conversation fut interrompue par du bruit en provenance de l'ascenseur et l'arrivée d'Edward, l'air mal réveillé. Il n'était encore que six heures mais il s'arrêta un moment pour prendre du café. À voir son état débraillé, Laura devina qu'il venait de faire la fête toute la nuit, bien qu'il prétextât une surcharge de travail lorsqu'elle lui posa la question. Il fila d'ailleurs vers la douche.

Sain d'Esprit (Laura Woodward - tome 2)Where stories live. Discover now