44. Personne n'est parfait

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Le lundi suivant, Laura accompagna Gareth à l'aéroport. Elle supposait que sa vision de Murmay était encore pire que lorsqu'il avait débarqué, au début de l'été, mais lorsqu'elle lui posa la question, il se contenta d'un petit sourire énigmatique. Il franchit le contrôle de sécurité, ils se saluèrent d'un geste et elle eut la sensation étrange qu'elle venait de passer à côté de quelque chose.

C'était certainement pour un mieux, pour tout le monde.

Elle retourna ensuite dans les bureaux de la Société pour affronter Lafferty.

Elle s'attendait à la tempête, il n'en fut rien. Il avait eu un entretien téléphonique avec le docteur Kant, qui semblait avoir jeté toute notion de secret médical aux orties. Lafferty ne prétendait pas mesurer la violence de ce qui lui avait été infligé, mais il comprenait que son comportement erratique des derniers mois avait une cause profonde. Il réitéra son injonction à consulter et, comme elle l'avait pressenti, lui imposa un congé à durée indéterminée. Il lui assura qu'elle serait la bienvenue dès qu'elle irait mieux, ce qui dépendrait de ses progrès en thérapie.

Elle aurait pu nier, protester, accuser le médecin d'une faute grave, mais elle accepta l'excuse toute trouvée. C'était horrible, mensonger, mais tellement simple, au final. Une femme bouleversée par la perte de son utérus, cela valait bien une liste absurde.

Comme elle s'y était préparée depuis plusieurs jours, elle accepta cette mise à pied sans protester, une démonstration de sagesse qui sembla satisfaire son patron, comme un premier pas dans la bonne direction.

Conséquence logique, ses accès furent révoqués, la privant de l'arsenal de surveillance dont elle avait toujours disposé. Si Henry allait mieux, elle n'en saurait rien. Si Renata glissait sur un savon dans sa salle de bain, pas davantage. L'affaire était close, les portes fermées, sa double-vie, si riche, si formidable, en suspens.


Laura chercha et trouva un certain apaisement à la morgue, dans la routine, cadavre après cadavre, rapport après rapport. En quelques jours, elle reprit ses automatismes, à travailler jusqu'à plus soif, de l'aube à la nuit et parfois plus tard, fuyant Ververy et son silence, les deux chats désormais inséparables, les couchers de soleil sur la campagne, tous ces instants où elle se sentait creuse et solitaire.

La chaleur sans le moindre courant d'air frais.

Pour un mieux.

Un mieux, un mieux, un mieux.

Ses collègues légistes persévérèrent dans leur tentative de lui remonter le moral : Rupert était prévenant, Greg lui proposa d'aller boire un verre, une fois, deux fois. Mais ils étaient échaudés, prudents, habitués à toutes ces années de portes closes et de refus ironiques. Elle était fragilisée, ils ne savaient pas bien à quel point, mais c'était une réalité et elle ne parvenait pas à faire le premier pas nécessaire pour qu'ils l'accueillent dans les rangs qu'elle avait toujours esquivés.

Alors elle rentrait tard et prenait un comprimé pour dormir, avant de retourner sur le pont à la moindre alerte.

Jour après jour.

Août toucha à sa fin dans un semblant de retour à la normale d'avant les drames de l'été.


Puis, un soir de septembre, Laura s'immobilisa à l'entrée du bois pour relever son courrier avant la traversée. Elle s'installa ensuite dans son fauteuil et passa en revue les quelques lettres qu'elle avait reçues : une facture d'électricité, une publicité pour du matériel médical dont elle n'aurait jamais l'usage, le périodique gratuit de la localité et, finalement, une enveloppe crème, de bonne facture, du genre qui renferme un faire-part d'enterrement. Son nom avait été calligraphié en lettres élégantes sur le papier gaufré, mais elle ne reconnut pas l'écriture.

Sain d'Esprit (Laura Woodward - tome 2)Όπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα