13. Interférences

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Laura passa saluer Donald et Suzy, encore penchés sur un cadavre, puis mit le cap sur Butterfly. Plus elle en approchait, plus elle prenait conscience de son corps ankylosé, de son cœur emballé, d'un léger sifflement dans ses oreilles. Une fois garée, elle essaya de se détendre.

Elle avait participé à un séminaire de relaxation au mois de mars, une sorte de formation obligatoire pour les agents, où on leur avait appris les principes de la pleine conscience, des manières de réguler leur stress par la respiration, des rudiments de méditation. Laura avait essayé de faire des efforts, mais la plupart des techniques la faisaient pouffer (Lloyd aussi) et elle s'était avérée incapable de ne pas penser à autre chose, et généralement à autre chose de drôlement compliqué, même quand elle était censée se concentrer sur la sensation de la paume de sa main posée contre son genou.

De son point de vue, ça avait été un fiasco, mais elle avait mémorisé certains des préceptes de base, et à présent qu'elle était confrontée à une bouffée de stress, elle se sentait prête à tenter n'importe quoi. Au final, elle quitta sa voiture agacée par ces méthodes à la noix, mais peut-être un peu moins centrée sur sa confrontation imminente avec le spectre que quelques minutes plus tôt.

Elle traversa la rue, présenta sa carte à la guérite du gardien et se vit admettre dans l'enceinte de Butterfly. Après avoir signé le registre des visiteurs à l'accueil, elle monta au troisième étage sans se laisser le temps d'y réfléchir.

Elle commençait à prendre ses repères dans les couloirs, sans plus lorgner sur le fléchage sommaire, mais sa nervosité avait grimpé d'un cran et elle avait l'impression d'évoluer dans une dimension tout juste parallèle à la réalité. Elle gagna l'aquarium des infirmières, se signala puis entra dans la salle de réunion.

Déserte.

Elle referma précautionneusement la porte et alla jusqu'au casier du docteur Hornet, où l'attendaient toujours les trois dossiers. Elle les prit, s'assit, et attendit, le souffle court. Elle aurait dû commencer à travailler, bien sûr, mais elle était persuadée que le fantôme surgirait d'un moment à l'autre.

L'horloge, au-dessus de la porte, égrenait les secondes d'un tic-tac à l'ancienne. Il restait du café dans le percolateur. Les trois armoires à dossiers, fermées, formaient une barrière sombre en face d'elle. On n'entendait absolument rien à l'extérieur, ni pas, ni conversation, mais par les persiennes, on devinait les branches immobiles d'un arbre, la lumière chaude de la fin de journée. Il n'avait plus plu depuis deux jours, un petit miracle qu'attendaient sans doute la plupart des vacanciers. Laura ne prenait quasi jamais de congés, pour quoi en faire ? Elle se serait ennuyée comme un rat mort.

Pas de fantôme.

Elle rouvrit le premier dossier. Après les notes de Jonathan suivaient celles de James Hornet, une bonne nouvelle. Rapidement, elle tomba sur des mentions du psychiatre décédé. Jerry l'avait vu, deux fois, dans sa chambre. Jonathan lui avait dit qu'il avait "en lui de faire le nécessaire pour s'en sortir". Ce que Jerry avait manifestement interprété comme une invitation à le rejoindre. Non, c'était une des morts subites, pas un suicide. Elle inscrivit les détails des entretiens, ou du moins ce qu'Hornet avait cru bon de consigner, puis repoussa les documents.

Tout ça était inutile. Cet audit. Il ne mettrait rien en évidence de particulier. Une contagion hallucinatoire chez une bande de schizophrènes. Personne ne testait des médicaments expérimentaux sur ces cobayes déments. Il n'y avait pas de virus dans la nourriture ou de défaut de surveillance. Il y avait...

Un courant d'air froid la fit frissonner.

Laura leva les yeux, mais c'était simplement la porte du couloir qui s'ouvrait. Elle étouffa un juron de surprise et se recomposa aussitôt un visage neutre. Il lui fallut un instant pour replacer la personne qui venait d'entrer. Ce n'était ni une infirmière, ni l'un des médecins, mais bien l'éducatrice qu'elle avait entraperçue l'avant-veille, avec ses marionnettes en papier mâché.

Sain d'Esprit (Laura Woodward - tome 2)Där berättelser lever. Upptäck nu