32. Introduction posthume

41 6 147
                                    

De retour à Murmay, entre deux rapports à finaliser, Laura corrigea ses copies d'examen. Aucune nouvelle de Fernbridge, aucun incident, pas de mort. La morgue était tranquille, Don voyageait d'un hôpital à l'autre pour vérifier les coups de chaleur suspects, Greg autopsiait en salle 3, David rattrapait la paperasserie qui s'était empilée sur son bureau pendant ses vacances.

Quand il glissa la tête par l'embrasure de la porte pour demander à Laura de passer le voir, elle n'en pensa rien de particulier. C'est seulement en prenant place en face de lui qu'elle nota sa mine embarrassée.

David était un homme efficace et énergique, un ancien de la discipline sans les défauts associés, curieux, impliqué, affable, mais le leadership n'était pas son point fort. Don lui servait de porte-parole en cas de dossier à défendre ou de conflit avec l'échelon supérieur. Yvan, qui dirigeait les techniciens criminalistes, était autrement plus dur, lui faire contrepoids demandait une certaine carrure. Aussi Laura savait-elle que le malaise de son supérieur cachait un sujet fâcheux, qu'il n'avait aucune envie d'aborder.

Elle décida de lui rendre service.

— Qu'est-ce que j'ai fait ?

Il grimaça mais ne chercha pas à se dérober.

— Voilà.

Il s'éclaircit la gorge.

— Tu sais que depuis l'affaire Carter... On nous a mis pas mal de contrôles, au niveau du secret médical. Ils sont effectués à l'échelle nationale, par un service d'éthique. Bref. On m'a rapporté que tu avais accédé plusieurs fois, ces derniers jours, à des dossiers que tu n'as pas supervisés.

Laura sentit l'adrénaline la saisir. Dans son empressement, avec la fatigue, elle avait dû omettre à l'une ou l'autre occasion de se servir du logiciel espion.

— Alors je sais que tu as sûrement de bonnes raisons de l'avoir fait, que l'inspectrice Melville a décidé que tu serais sa légiste de référence pour Fernbridge, mais il y a des procédures. Et ces procédures, il faut vraiment les respecter. Crois-moi, Laura, je sais que nous sommes tous assommés par ces charges administratives, une signature ici, une autorisation par-là, mais il suffit de remplir les champs associés, quand tu ouvres un dossier qui ne t'appartient pas. Le menu déroulant a été révisé. Tu peux cliquer « enquête en cours » et renseigner l'auteur de la demande, l'inspectrice Melville, par exemple. Et si jamais tu accèdes à des cas pour l'écriture d'un article, comme je suppose que c'est le cas pour ce... suicidé, Byatt, tu dois absolument passer par la base de données anonymisée.

La gêne suintait dans chacun de ses mots, il ne parvenait même pas à la regarder.

— Je suis désolée. Ces précautions... elles n'existaient pas quand je suis partie et... je peux justifier, oui, chacun de ces accès.

Il soupira.

— Laura, je te connais, je ne doute pas de toi, mais ces gens, là-haut, ils s'en fichent. Ce sont des agents administratifs, des bureaucrates, à qui on demande de sanctionner l'usage abusif des bases de données, et tout ça est complètement automatisé. Je ne pourrai rien faire s'ils décident d'ouvrir une procédure disciplinaire à ton encontre. J'ai promis que tu renverrais une note de justification pour chacun des accès d'ici le week-end. Et j'ai promis que ça ne se reproduirait plus.

Il leva brièvement les yeux, croisa son regard, retourna à ses papiers, nerveux. Il était plus embarrassé qu'elle, dont le coeur battait la chamade et les tempes brûlaient.

— Je serai vigilante. Je suis désolée. J'ai gardé des mauvaises habitudes.

— Pas de soucis, Laura, vraiment. Ça nous arrive à tous.

Sain d'Esprit (Laura Woodward - tome 2)Where stories live. Discover now