24. Enquête et trahisons (1/2)

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NdA : un seul chapitre, plutôt dense, en deux longues parties... mais ça ne me semblait pas logique de le scinder en deux chapitres distincts. Ne vous faites pas mal aux yeux 😅 

Avec l'avènement du net et l'étalage que chacun y faisait de sa vie, reconstituer les réseaux fréquentés par les gens était devenu simple, du moins quand ils évoluaient dans la lumière. Les académiques, en particulier, étaient souvent soucieux d'étaler leurs nombreuses casquettes, rançon d'un système de requins, et il n'en était que plus simple de pister leurs différents cercles. Leur page web était un premier pas, il y avait généralement un cv à télécharger, puis des liens divers, notamment vers un profil professionnel plein de renseignements. Il était passé minuit mais Laura trouva un regain d'énergie dans cette tâche solitaire. En temps normal, elle aurait mis Edward sur le coup, c'était son rôle dans leur petite équipe, mais elle avait le temps et la sensation d'une certaine urgence.

Sans compter qu'elle ne parviendrait pas à expliquer à ses collègues pourquoi elle était sûre d'une connexion entre les morts de Fernbridge. Bosser, le nez sur l'écran, lui permettait de refouler cet état de fait frustrant. Problématique aussi. Elle ne voulait pas y réfléchir, pas maintenant. Elle devait empêcher que l'entité, quelle qu'elle soit, ne fasse d'autres victimes.

Vers une heure du matin, elle alla jusqu'à la cafétéria, se bricola un café à partir d'une capsule en aluminium, puis reprit sa place derrière l'ordinateur. Trouver des liens entre les trois premières victimes était aisé : ils avaient tous donné cours en criminologie et un nombre incalculable d'étudiants étaient passés entre leurs mains. Le dernier, ingénieur, faisait figure d'intrus. Mais, en recoupant les différentes informations, elle avait pu trouver un lien avec Zaffy — un comité universitaire de réforme des programmes — et un autre avec Tillman — ils jouaient au golf dans le même club. Rien avec Perssen. En suivant une logique d'esprit vengeur, il était cependant possible qu'il n'y ait pas de liens entre les victimes mais bien entre eux et celui qui les traquait.

À partir du moment où il était acquis qu'on pouvait se relever d'entre les morts et ensuite faire du mal aux vivants, le suicidé, Jason Byatt, devenait le coupable idéal. Rien n'indiquait cependant qu'il ait jamais eu le moindre contact avec l'ingénieur, Sikorski, en tout cas via les canaux universitaires. Laura utilisa alors un des logiciels espions que la Société utilisait pour se glisser dans les profils privés que les gens réservaient à leurs intimes. Comme elle l'avait espéré, la page personnelle de Jason Byatt existait encore sur plusieurs réseaux sociaux et elle put éplucher photos et messages, un à un, alors qu'avançait la nuit.

Elle n'y trouva rien de particulier. Des élucubrations d'étudiant : reflets de soirées arrosées, envolées politiques ou philosophiques, photos gênantes et vidéos stupides, une pétition à signer, rendez-vous pour festoyer ou assister à un concert, des échanges d'informations scolaires ou sociales, une recommandation de bouquin, un coup de gueule sur les horaires de la bibliothèque et la bouffe du resto universitaire.

Sur la fin, on devinait une humeur noire qui s'installait progressivement, sans que cela ne soit clairement mentionné. Si Jason en voulait à son directeur de thèse, il ne le disait pas clairement. Il y avait quelques citations équivoques, sur le pouvoir, l'ambition ou la jeunesse. Puis subitement plus rien. Et ensuite un déferlement de condoléances, des uns et des autres, camarades d'autrefois, compagnons contemporains, vagues relations.

Parmi eux, Laura repéra trois noms d'étudiants qui assistaient à son cours, dont Henry, l'enquiquinant personnage. Elle en fit une note sur un post-it, mais ce n'était pas surprenant, en réalité : la faculté de criminologie était un petit monde. Il était possible cependant que l'un d'entre eux connaisse un lien entre Jason et Sikorski. Graham, leur étudiant infiltré, était sans doute le mieux placé pour enquêter.

Sain d'Esprit (Laura Woodward - tome 2)Where stories live. Discover now