Chapitre 71

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Les navires fendaient les flots, la houle tumultueuse frappant leur flanc en une symphonie bien connue des marins. Non pas que la mer était déchaînée, c'était la puissance des dragons attachés aux proues qui les faisaient avancer si rapidement qu'ils provoquaient un fort remous.

Le Dragon des Mers, était à leur tête, légèrement abîmé par les combats récents pour reprendre le Nord, il n'en restait pas moins la fière représentation des prouesses nordiennes en matière de technologie navale.

— Les dragons commencent à fatiguer, nous devrions faire une pause pour effectuer un changement, annonça un marin en arrivant à la dunette arrière.

Il avait la peau bronzée et des muscles épais comme il seyait à une personne de sa profession. Sa barbe était fournie, emmêlée et pleine de sel. C'était un fier gaillard ayant juré allégeance au Protecteur du Nord et qui depuis, œuvrait sur le Dragon des Mers.

— Pas tout de suite, ils peuvent tenir encore un peu.

— Mais...

— C'est un ordre. Chaque minute gagnée est une minute qui fera peut-être toute la différence.

— Très bien capitaine ! Nous attendrons !

Le marin s'en alla, il descendit rapidement les quelques marches menant au pont et retourna à l'avant du navire pour transmettre la consigne. Il était parti si rapidement qu'il n'avait pas entendu le murmure de la jeune femme à la longue chevelure rousse et aux yeux vairons qui venait de lui donner cet ordre.

— Ne m'appelez pas capitaine, je n'en suis pas un...

Eldrid soupira, elle avait du mal à comprendre comment elle en était arrivée là. La raison elle la connaissait, mais l'enchaînement des événements la dérangeait toujours autant.

— Tu commandes ce navire et cette flotte alors pour eux tu es leur capitaine, commenta Siv.

La dragonnière se trouvait à sa droite, son armure abîmée de toute part, mais néanmoins encore fonctionnelle. Elle avait toujours été considérée comme étant une très belle jeune femme. Un constat qui à l'image de son armure avait lui aussi était mis à mal par la guerre, même si on pouvait encore entrapercevoir celle qu'elle avait été quand on la regardait de profil. Sans s'en rendre compte, Eldrid se mit à la dévisager.

— C'est toujours aussi horrible à regarder ?

— Je suis désolé ! Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise ! s'excusa immédiatement Eldrid.

— Ne t'excuse pas, je sais à quoi je ressemble. J'ai payé le prix de mes erreurs et je peux m'estimer heureuse d'être encore en vie. Les Dieux m'ont laissé une chance, si c'est le prix à payer... dit-elle en touchant son visage avec une grimace de douleur. Je l'accepte.

Toute une partie avait été brûlée et malgré tous les soins des meilleurs guérisseurs nordiens elle en garderait à jamais la marque. Un prix tout aussi effroyable que dérisoire. Elle était l'une des seules à avoir survécu au piège dans lequel Thorkell les avait menés malgré lui lors de la bataille pour capturer Dagur. Elle faisait partie des dragonniers qui avaient tenté de franchir l'enceinte intérieure sous le commandement de Thorkell et depuis, chaque nuit, elle ne cessait d'entendre les hurlements de ses compagnons qui jamais ne reviendraient.

— Je ne t'ai jamais demandé, pourquoi es-tu venu avec nous dans le Nord ? Si tu penses que les Dieux t'ont accordé une chance, pourquoi être venu alors que nous avons agi manifestement à l'opposé des intérêts de notre Protecteur ?

— C'est justement pour cela que je suis venu, pour m'assurer qu'on retournerait vers lui.

— Je suis d'accord avec elle, et il fallait bien que quelqu'un veille à ce que la situation n'empire pas, intervint Soren qui venait d'arriver sur la dunette, il avait manifestement entendu la conversation.

Dragon NoirWhere stories live. Discover now