Chapitre 51

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Harold n'avait pas bougé de sa position. Il avait toujours l'oreille collée contre le battant de la porte en bois donnant sur le bureau de Dagur dans la citadelle ennemie, ses muscles et son esprit tétanisé par les paroles prononcées par les hommes se trouvant de l'autre côté de la porte. Il s'était donné pour mission de capturer le lieutenant de Drago et de décimer l'état-major ennemi, mais il venait de comprendre qu'on s'était joué de lui.

Son ennemi connaissait ses plans. Ils étaient attendus.

Harold avait pourtant fait son maximum pour restreindre les informations, pour empêcher la moindre fuite, seuls ses plus proches amis et collaborateurs avaient été informés de son véritable but en ces lieux. Rares étaient ceux à avoir toutes les informations à l'avance, rendant la trahison d'autant plus douloureuse.

La plupart se trouvaient derrière lui, le noyau dur de la Garde Noire dont la simple pensée qu'ils puissent trahir avait toujours été rejetée férocement. Il ne pouvait concevoir une trahison de l'un d'entre eux. Il s'agissait de ses amis, de ses compagnons d'armes et de celle qu'il aimait. Il avait tout partagé avec eux, de la joie à la douleur. Il leur avait confié ses espoirs, ses peurs et sa vie.

Ce n'est pas possible, n'est-ce pas ? Ça ne peut pas l'être...

Il ne pouvait y croire. Il restait une autre hypothèse, pas moins douloureuse, mais tout aussi plausible. Hagbard ou Stoïck. L'un était devenu comme un père pour lui et l'autre l'était de par le sang. À l'un il faisait totalement confiance, de l'autre il ne savait plus vraiment quoi penser.

Son esprit essayait de rassembler les pièces du puzzle sans y arriver, il y avait toujours des incohérences, des éléments l'empêchant de trouver la réponse. Une fuite n'était pas non plus impossible, une conversation qui n'aurait pas dû avoir lieu et entendue par l'espion, un rapport oublié, bien des hypothèses étaient possibles. Une part de son esprit le voulait, mais une autre lui disait de ne pas s'y raccrochait, le ramenant à la Garde Noire et aux chefs.

Sans oublier qu'il y avait une chose qu'il savait, une chose qu'Eskil lui avait révélée avant leur départ. Il n'avait pas pu la vérifier, mais si elle s'avérait exacte alors peut-être...

Perdu comme il l'était, Harold ne savait plus quoi penser.

Il ne pouvait trancher sur lequel était le pire des scénarios et les contre-mesures à prendre. Si c'était l'un de ses amis, la douleur serait insupportable. Si c'était Hagbard ou Stoïck alors au moment où le traître se révélerait, il emporterait avec lui une part conséquente de leur force dans son sillage, si ce n'était la totalité de la Coalition ou des forces du Nord.

Dans le cas de Stoïck, nombre de chefs le suivraient, mais comment imaginer cela d'un homme certes borné, mais au cœur fier. Même avec des concessions excessivement bonnes de la part de Drago, le voir plier le genou était impensable.

De la même manière, Hagbard était un fier seigneur du nord, au respect des traditions chevillé au corps. Au-delà de cela, sa trahison pourrait également signifier celle de Thorkell. Son meilleur ami, un frère avec lequel il s'était fâché, mais de là à trahir...

L'un d'eux pouvait-il vouloir le pouvoir à ce point ? Ou sa place de Protecteur du Nord ? Pour une vengeance dont il n'aurait pas idée du motif ? Ou simplement convaincu que c'était la chose à faire pour sauver leur peuple ?

Ai-je fait une erreur ? Me suis-je trompé dans ma manière d'agir et de commander ?

Harold ne pouvait s'empêcher de se demander s'il n'avait pas été aveugle, s'il ne s'était pas voilé la face au point d'occulter les prémices d'une telle catastrophe par peur.

Dragon NoirWhere stories live. Discover now