Chapitre 81

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Harold, ainsi que tous ceux qui l'entouraient se figèrent comme si le temps lui-même s'était arrêté. À l'image de Gjallarhorn, la corne de brume d'Heimdall censée annoncer le Ragnarök, le son qui venait de se répandre dans l'air laissait présager l'arrivée d'un destin funeste. S'il était à même de glacer le cœur des hommes d'effroi, il réchauffait celui d'Harold. Pour lui, nulle destinée sanglante, bien au contraire, un sourire avait pris forme sur son visage.

Son regard tourné vers l'ouest, il attendait impatiemment, le cœur fébrile, l'arrivée du seul être capable d'émettre ce sifflement si caractéristique. Comment cela était-il possible ? Il n'en savait rien et c'était sans importance, les explications pouvaient attendre ou même ne jamais arriver, seule comptait sa présence sur cette île.

— Harold, c'est...

D'un signe de la main, il demanda à Ranfrid de se taire. Le regard et l'ouïe aux aguets, il cherchait à capter le moment où il apparaîtrait. Le temps des mots viendrait plus tard. Malgré toutes ses certitudes, il restait un mince filet de peur dans son cœur que seule sa vue pourrait chasser.

Chaque seconde sembla durer une éternité, au loin on pouvait entendre le fracas des armes et les cris des hommes, douleur et espoir se mêlaient en un chœur terrible. Pour le dragon réputé comme étant le plus rapide existant, il se faisait attendre. Soudain, un point noir apparut dans le ciel au-dessus de l'armée de l'Est qui avançait vers les lignes de Drago.

Il se stoppa un instant sous les clameurs des soldats nordiens, puis se tourna vers la plage, alors avec plus de vitesse que jamais il n'en avait démontré, il fondit depuis le ciel. En une fraction de seconde, il fut à destination, se posant tout autant qu'il s'écrasait dans la précipitation, heurtant légèrement Harold au dernier moment et le faisant tomber à la renverse sans que personne n'ait le temps de réagir.

— Harold ! s'exclamèrent ses trois gardes du corps.

Ils s'approchèrent avec l'intention de l'aider à se relever, un rire retentit et ils s'arrêtèrent. Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas vu Harold se réjouir ainsi.

— On peut dire que tu sais faire tes entrées mon grand ! s'exclama Harold en se relevant.

Les deux se firent face, se regardant dans les yeux. Les mots étaient inutiles pour comprendre à quel point ils tenaient l'un à l'autre.

— Tu as l'air d'aller bien. Je suis désolé pour tout Krokmou...

Harold fit un pas en avant et posa sa tête contre celle de son dragon tout en le caressant d'une main, une larme coula sur sa joue.

— Je suis heureux de te revoir.

Krokmou grogna un assentiment et pendant quelques secondes ils restèrent ainsi, dans une bulle qui leur était propre, faisant abstraction de la guerre et des malheurs. Pour une fois, Harold remercia les Dieux, la chance semblait enfin lui sourire. Lui qui s'était senti torturé par son choix de revenir sur Beurk plutôt que de partir à la recherche de son ami venait d'être libéré d'un poids. Il avait cru le perdre, il venait de le retrouver, un signe des plus encourageants pour cette journée sanglante. Son dragon à ses côtés, il était certain de pouvoir faire face à toutes les menaces.

— Harold, je suis désolé, mais il va falloir y aller, intervint Sigfred d'un ton navré.

Chacune des personnes présentes avait conscience de ce que ressentait Harold. Ranfrid, Kaare et Sigfred avaient perdu leur dragon lors de la bataille ayant mené à sa capture en accomplissant leur devoir, pour le Nord, pour lui. Malgré la douleur, ils se réjouissaient que leur ami n'ait pas connu ce désespoir. À sa place, ils auraient voulu avoir tout le temps du monde pour de telles retrouvailles, c'était malheureusement impossible. Chaque minute, chaque seconde perdue pouvait coûter une vie. Tout ce qui n'avait pas d'incidence sur le combat et qui pouvait être repoussée à après la bataille devait l'être.

Dragon NoirOnde histórias criam vida. Descubra agora