Dragon Noir

Chapitre 39

- Entrez ! cria Harold.

Il était assis à son bureau, dans sa cabine sur le Dragon des Mers, penché sur tout un tas de rapports qu'on lui avait fait parvenir depuis Beurk. Ce n'était pas parce qu'il avait quitté l'île qu'il comptait négliger son devoir. Juste avant son départ il avait décidé avec Almar de mettre en place un système de messager par dragonniers. Ils avaient parfois un peu de mal à le trouver dans l'immensité de l'océan et la plupart des informations n'étaient plus réellement d'actualité ni même très utiles. Pourtant, il étudiait chaque rapport avec diligence, dans l'espoir de voir apparaître une ligne, quelques mots qui lui diraient où trouver la flotte de Drago. C'était sa plus grande hantise. Depuis la mise en place de leur nouveau plan avec la Coalition tout se déroulait parfaitement bien, les îles inutiles étaient abandonnées, celles qui avaient de l'intérêt fortifiées, mais jamais on ne mentionnait la flotte de Drago.

La dernière fois qu'il en avait réellement entendu parler dans un rapport nordien datait déjà de plusieurs mois. Quant aux rapports de la Coalition, c'était à peine mieux. Drago avait conquis des dizaines d'îles et plus encore, allant jusqu'à tutoyer quasiment les frontières de Beurk pourtant elle était introuvable. C'était à croire qu'elle avait disparu. Harold avait essayé de le cacher, mais cela l'inquiétait particulièrement. Connaître les mouvements ennemis était l'une des bases de la guerre et là il était totalement aveugle, essayant tant bien que mal d'avancer à tâtons sans faire une erreur fatale.

Mais bientôt cela changera, on capturera Dagur et on en saura enfin un peu plus...

En entendant la porte s'ouvrir, Harold laissa de côté ce sur quoi il travaillait puis il commença à relever lentement la tête pour voir qui était son visiteur. Pendant un bref instant, il espéra qu'il s'agirait d'Astrid. Dès son départ il avait fait envoyer plusieurs équipes de dragonniers à la recherche de ses amis partis assouvir leur vengeance et fuir l'atmosphère pesante de Beurk. Ses ordres étaient simples, ils devaient le rejoindre le plus vite possible à Ospig, aussi appelé l'île de l'Abandon dans la langue courante. Il préférait cependant l'ancien langage du nord. Depuis que Laek le lui avait fait découvrir quelques jours plus tôt, il ne cessait d'essayer d'en apprendre plus. Il en aimait la consonance, l'aspect parfois guttural, mais surtout le sens. Chaque mot avait une ou plusieurs significations bien particulières et il suffisait de peu de choses pour que l'une ou l'autre soit la bonne, changeant absolument tout.

- Harold ?

La voix était fluette, fatiguée, mais sans aucun doute féminine. Il y avait dans le ton de la curiosité accompagnée d'une pointe d'inquiétude face à l'attitude amorphe d'Harold. Il s'était laissé emporter par le cours de ses pensées sans plus s'occuper de l'identité de la personne qui avait passé le seuil de la porte. Entendant les paroles résonner dans son esprit il secoua légèrement la tête pour chasser la torpeur doucereuse qui avait commencé à le gagner. Il tourna son regard vers la jeune fille. Elle avait une longue chevelure rousse et des yeux vairons, assurément ce n'était pas Astrid. Harold se retint de pousser un soupir de dépit, il aurait été mal venu de sa part de donner l'impression à son amie qu'elle n'était pas la bienvenue après la mission qu'elle venait d'accomplir pour lui.

Il se leva de sa chaise pour s'approcher d'elle. Elle se tenait droite, essayant de cacher sa fatigue derrière sa posture, mais ses yeux ne pouvaient mentir. Il captura son regard dans le sien, lui laissant comprendre qu'elle n'avait pas à se cacher devant lui. Il était son ami, il était là pour elle. Il posa une main sur son épaule, elle s'affaissa légèrement, abandonnant toute idée de paraître plus forte qu'elle ne l'était. Elle laissa s'échapper un soupir de soulagement.

- Eldrid... tu as l'air crevé, assis toi, lui dit Harold en désignant une chaise.

Elle le remercia d'un signe de tête. Harold tira la chaise, elle s'assit avec un regard reconnaissant. Il lui posa de nouveau une main sur l'épaule en la serrant légèrement.