Chapitre 62

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L'air sentait la poix et la sueur. Les couloirs étaient sombres, rien de bien étonnant pour une zone dédiée aux prisonniers. Escorté par des hommes de Drago, Harold allait enfin pouvoir la quitter pour quelques instants. Avec de la chance, il pourrait même sortir à l'extérieur et voir le soleil. Un espoir bien fou pour un prisonnier de son importance. Il avait l'impression que cela faisait une éternité qu'il n'avait pas senti sa douce caresse sur sa peau. Aujourd'hui, tout ceci allait changer. Il allait parler à Drago.

Il avait pris sa décision.

Tout au long de l'interminable couloir du donjon, il laissa son regard se perdre sur son environnement et son esprit vagabonder dans des contrées lointaines. Les murs de la forteresse étaient faits d'une pierre grise, assombrie par la saleté. Les seules sources de lumière étaient les torches tenues par les geôliers d'Harold.

La zone manquait d'entretien, mais pour qui aurait été observateur, il était possible de voir le soin apporté à la taille de la pierre. La forteresse choisie par Drago n'était pas de celles réalisées à la va-vite. Sa construction avait été faite dans les règles de l'art, par des artisans qualifiés. Si cela était l'œuvre du peuple de Drago alors il fallait leur reconnaître leur savoir-faire. Si elle avait été prise de force à un autre clan, celui-ci devait être loué pour son travail. Un tel peuple serait utile quand ce conflit prendrait fin pour reconstruire les bâtiments détruits par les affres de la guerre.

Songer à l'après donnait à Harold un sentiment de possibilité, d'espoir. La fin de la guerre était le sujet qui occupait chaque jour un peu plus son esprit. Il voulait voir cesser tous ces combats. Il souhaitait mettre fin à ces massacres inutiles. Il avait déjà perdu bien des hommes, sur ses épaules pesaient des responsabilités dont il n'avait jamais voulu. Plus d'une fois, il avait imaginé céder cela à plus compétent, toujours on lui avait dit qu'il était le meilleur. Pourtant, il avait été critiqué et remis en question.

Des chefs avaient préféré privilégier leurs jeux politiques au pragmatisme de la situation, ils avaient cru pouvoir jouer sur tous les tableaux. Il avait été trahi par ceux-là mêmes qui se disaient être d'une loyauté sans faille. Trahi par sa famille, trahi par ceux qui avaient vu en lui un chef, trahi par ses amis. Le temps passé dans sa cellule lui avait permis de comprendre que sa vie avait toujours tourné autour de ce seul mot, trahison.

Avait-il pour autant abandonné ? Non !

Quand il s'en était rendu compte, il avait manqué de basculer. Si quelqu'un était venu lui dire que dans un tel moment, songer à abandonner n'était pas concevable alors cette personne n'aurait pas été humaine. L'esprit humain n'était pas inébranlable. On pouvait se voiler la face, faire abstraction des désagréments, repousser à plus tard les problèmes, mais un jour ou l'autre il fallait y faire face. Harold avait enduré. Il avait fait des erreurs, aujourd'hui il les avait acceptés. On avait voulu qu'il soit un modèle, il avait été considéré comme infaillible, lorsqu'il s'était trompé, la chute avait été d'autant plus dure. Ceux qui n'avait jamais fait que hocher la tête, incapables de prendre des décisions par eux-mêmes s'étaient levés pour s'en prendre à lui. Égaux à ce qu'ils avaient toujours été, ils avaient usé de fourberie. Ils avaient réussi à faire douter Harold.

Il avait accepté tout cela. C'était sans importance.

Il avait eu le temps d'éclaircir son esprit. Il savait ce qu'il voulait et ce qu'il devait faire. Seuls comptaient ceux qu'ils aimaient. Pour Astrid et les Nordiens il ferait le nécessaire. Les chefs n'avaient pas d'importance, le peuple en avait. Les traîtres seraient châtiés. Ses véritables amis se tiendraient à ses côtés, pour les autres il endurcirait son cœur. Il garderait les larmes pour l'après, quand tout serait terminé.

Dragon NoirWhere stories live. Discover now