• CHAPITRE DIX •

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A

Je me force à ne pas sourire à l'idée de l'avoir laissé planter là. Mon cœur bat la chamade, car je sais qu'il a raison sur le fait que j'ai été particulièrement insolente. Oui, j'ai été grandement détestable, mais sa simple vue m'a hérissé le poil ce soir. Il a le don d'apparaître après mes altercations avec Jamie et il fait remonter en moi des pulsions sauvages. Je me retrouve en un claquement de doigts sur la piste et à chaque pas qui m'éloigne de lui je recouvre peu à peu mon calme. Je n'aperçois les garçons nulle part alors j'accélère en direction du bar. Lorsque j'y arrive, c'est une Alexa rouge de colère qui m'attend en me fusillant du regard.

— Angy, putain de bordel ! Où étais-tu ? Je croule sous les commandes !

– Je suis désolée.

Je ne tente même pas de la dérider avec un sourire ou une accolade parce que je ne connais que trop bien ces moments d'intense charge mentale face aux notifications qui se multiplient sur la tablette. Je me contente de reprendre immédiatement ma place et je me fais aussi petite que possible. J'enchaîne les commandes et j'essaie de me rendre efficace sur tous les fronts pour me rattraper auprès d'elle. Je profite d'un bref instant d'accalmie pour me verser un verre et je croise l'expression surprise d'Alexa au moment où je le porte à mes lèvres. Même si je voulais lui expliquer pourquoi j'ai besoin de ce remontant, je sais aussi que je n'ai pas le droit de boire au travail. Aucune justification ne rendra ça excusable. Je hausse donc les épaules en le vidant d'une traite. Le goût détestable me fait grimacer car je n'ai pas l'habitude de ce type de boisson forte. Je jette un coup d'œil vers les baies vitrées de l'étage et malgré le fait qu'elles soient teintées je sens son regard sur moi. Je me détourne vivement et l'alcool me monte brutalement au crâne. Je me promets de ne pas tenter le diable au risque de rendre le contenu de mon estomac devant un public.

La fin du service est bientôt là et par conséquent ma délivrance approche à grands pas. Monsieur bleu acier n'a fait aucune autre apparition et j'en suis soulagée. J'ai brisé ma promesse il y a de cela cinq verres dans l'unique but de faire taire ma conscience qui me répétait en boucle que j'allais perdre mon emploi après cette conversation avec le grand patron. J'ai enchaîné les mélanges et ils me sont si vite montés à la tête que j'en suis au stade où je pouffe de rire pour un rien. Certains de mes clients apprécient tellement mon entrain que j'en suis déjà à mon troisième bocal à pourboires. Un record inédit sur lequel mes collègues les plus proches bavent presque. Je ne sais quelle fougue me prend quand je décide de grimper sur le bar. J'essaie d'être gracieuse, mais je sais au fond que je dois plutôt ressembler à un phoque qui tente de sortir de l'eau. N'ayant jamais fait ça, je ne réalise qu'une fois debout dessus qu'il est particulièrement haut. À moins que je ne commence à être trop ivre pour mesurer correctement la distance avec le sol... Je tends une main à Alexa qui ne la saisit pas et qui me jette un regard mauvais pour toute réponse. Personne ne me rejoint, mais je ne me décourage pas et j'improvise une chorégraphie en gloussant. Je tente de faire abstraction de mes haut-le-cœur et malgré le jugement que je perçois de la part de mes collègues de travail, je m'amuse de plus en plus. Je vais perdre mon emploi de toute façon, autant en profiter avant de prendre la porte ! Une chanson bien plus rythmée démarre et je me laisse aller à quelques pas plus risqués. Je me sens si bien que je suis presque en transe. S'abandonner au son de quelques notes à quelque chose d'extraordinaire. Les postures se succèdent et sous l'effet de l'alcool je ne me préoccupe pas des regards qui s'attardent sur moi et qui m'auraient embarrassé en temps normal. Je suis concentré sur les paroles et je me plonge dans le noir derrière mes paupières pour mieux ressentir la musique. Je paie cette décision moins de deux secondes plus tard lorsque je bute contre un verre et que je perds l'équilibre. Mon cœur cesse de battre pendant que je chute. J'ouvre les yeux pour découvrir que je ne suis pas au sol, mais dans les bras d'Evan.

BALLERINAWhere stories live. Discover now