• CHAPITRE SOIXANTE QUATRE •

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— A —

Une fois de plus, nos échanges se sont transformés en une guerre froide. Je peine à comprendre la véritable raison derrière son changement d'humeur. Plus je pense le saisir, plus il m'échappe en réalité... Nous étions pourtant d'accord sur le fait de ne pas apparaître ensemble en public. Pourquoi alors a-t-il réagi de cette façon ? J'ai l'impression que toute cette relation n'est qu'un amas géant de situations les unes plus confuses que les autres. J'ai quitté son appartement au pas de course pour me rendre directement au restaurant sans m'attarder sur les événements, dans l'espoir de garder à distance ma petite voix perfide qui tente de me murmurer des choses que je n'ai pas envie d'entendre.

Alors que je me prépare pour le service du midi, je me laisse emporter par l'effervescence grandissante qui envahit la salle. Mes collègues, quant à eux, vaquent à leurs conversations, totalement inconscients du drame silencieux qui se joue en moi. Je décide donc de rejoindre les cuisines pour y trouver un refuge temporaire. À peine ai-je franchi la porte que les bruits assourdissants des casseroles qui s'entrechoquent et des ustensiles qui s'agitent couvrent mes pensées, comme je l'escomptais. Marco m'accueille avec un grand sourire et j'ai l'impression qu'une éternité s'est écoulée depuis la dernière fois que nous avons partagé un moment ensemble.

Les heures passent, mais le poids de notre désaccord persiste et s'accroche à moi tel un boulet à mon pied. J'ai le sentiment que je suis piégée dans un labyrinthe d'émotions et je sens que mon cœur aspire à un dénouement, qu'il soit doux ou amer. Chaque geste que je fais est perturbé par les souvenirs envoûtants de cette nuit qui se répètent inlassablement dans mes pensées. Je ressens encore la pression de ses bras autour de moi, le frisson de sa peau contre la mienne, ses murmures... Ces souvenirs m'ébranlent au point de troubler ma concentration. Je secoue la tête, tentant de chasser ces pensées obsédantes, mais elles reviennent sans cesse, s'insinuant dans chaque recoin de mon esprit. Les commandes des clients se mélangent, les lettres dansent devant mes yeux et toutes mes tâches quotidiennes semblent bien plus compliquées aujourd'hui.

Le soir, alors que j'arrive au Convivium, je n'ai même pas le temps de me diriger vers les vestiaires que le nouveau responsable me fait signe de le rejoindre. Son attitude me met directement en alerte. Quelque chose cloche...

— Angelina, nous devons parler, déclare-t-il d'un ton autoritaire.

Mon cœur rate un battement alors qu'il me demande de le suivre dans son bureau, mais je garde mon calme et je lui emboîte le pas. Une fois que nous y sommes, il m'invite à m'asseoir et fait de même face à moi. Il fait glisser un dossier vers moi tandis que ses yeux me scrutent avec une intensité déconcertante. Un silence lourd qui amplifie mon anxiété s'installe avant qu'il ne souffle lentement et  qu'il ne commence d'un ton acerbe :

— J'ai pris le temps de mettre de l'ordre dans les affaires du club depuis mon arrivée et cela inclut un audit rigoureux des employés. J'ai remarqué tes nombreuses disparitions des derniers mois.

Mon cœur s'accélère, anticipant les mots qui vont suivre. J'essaie de me défendre, bien que je sache que je suis totalement en tort dans cette affaire.

— Je comprends que mes absences ont pu poser problème, mais je vous assure que j'avais mes raisons, je tente de me justifier.

— Angelina, soyons clairs. Tu ne peux pas te permettre de faire ce que tu veux ici simplement parce que tu couches avec le patron. Nous avons besoin d'employés fiables et engagés, pas de personnes qui bénéficient de faveurs spéciales pour progresser.

Ses mots me frappent en plein sternum et me coupent presque la respiration. Je ressens une douleur aiguë au niveau de ma poitrine, mais ce n'est pas le moment de faire une crise. J'inspire profondément avant de lui répondre avec le peu de calme qu'il me reste.

BALLERINAWhere stories live. Discover now