• CHAPITRE DIX-SEPT •

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— A —

Il tient fermement les rênes et me l'a prouvé une nouvelle fois rien qu'en m'effleurant. Il a raison, c'est un jeu dangereux et je le comprends lorsqu'il dit avoir le tournis. Je suis moi-même empêtrée dans un tourbillon de pensées les unes plus folles que les autres. Je dois mettre un terme à tout ceci. C'est décidé ! Je vais récupérer le chèque même si je ne compte pas l'encaisser et je me ferai aussi petite que possible jusqu'à sortir de son radar. Un homme tel que lui doit avoir tant d'obligations professionnelles et personnelles qu'il m'oubliera bien vite. Sournoisement, ma conscience me demande si je parviendrais à en faire de même... Je n'ai pas véritablement le choix. D'une part, je ne dois pas perdre de vue le lien hiérarchique qui nous sépare et d'autre part les semaines qui arrivent scelleront mon avenir et je ne peux pas me permettre de passer à côté.
Au dernier étage, les portes s'ouvrent enfin pour nous libérer de cette prison de fortune. Il sort le premier d'un pas assuré et s'adresse à son personnel d'une voix dure et inflexible. Je me tiens derrière lui et je n'ose plus remuer de peur que quelqu'un reporte son attention sur moi. Il ne hausse pas le ton, mais son mécontentement est plus que palpable. Même s'il reste maître de ses émotions, je sens toute la colère qui irradie de son corps. Cette facette de sa personnalité me donne froid dans le dos et je ne serais pas surprise que le timbre de sa voix puisse trancher quelqu'un en deux s'il le souhaitait. J'ai conscience que le temps doit rimer avec l'argent pour lui, mais cela ne m'empêche pas d'éprouver de la peine pour toutes les personnes présentes qui font profil bas. Il tressaute lorsque je me racle la gorge pour lui rappeler ma présence et me jette un regard noir par-dessus son épaule. Cette fois-ci, je n'en mène pas large. Comment fait-il pour passer aussi vite d'une humeur à une autre ? Je suis prête à parier qu'il imaginait déjà ses lèvres sur les miennes avant que l'ascenseur ne poursuive son ascension et pourtant il me toise maintenant comme si je n'étais qu'un parasite ennuyant dans sa journée. Cet homme est un puzzle dont les pièces ne s'emboitent pas correctement les unes avec les autres.
Il se met en marche et je le suis sans broncher. Ce n'est pas le moment de faire la forte tête. J'avance dans ce nouveau hall d'accueil qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celui que nous avons quitté précédemment. Il s'arrête près de la porte d'un bureau et me laisse passer devant. Lorsque j'entre, je dois me forcer à fermer la bouche... Les baies vitrées face à nous sont impressionnantes et offrent une vue spectaculaire sur la ville. J'ai la sensation de flotter en apesanteur. La pièce qui fait au moins deux fois la taille de l'appartement que je partage avec Evan est aménagée avec beaucoup de goût et semble à son image. Contrairement au reste de ses locaux, tout le mobilier est noir. Son immense bureau en marbre est positionné près du seul mur de la pièce auquel est accroché un triptyque de peinture... rouge et j'ai envie de sourire. Je n'ai jamais vu de surface de travail aussi imposante, pourtant tout est parfaitement bien ordonné. Un mouvement de sa part attire mon attention et je remarque qu'il appuie sur l'un des interrupteurs d'une petite console. En un instant, tous les panneaux de verre qui donnent sur l'accueil et le couloir s'opacifient.

— Melania ? fait-il en maintenant un autre bouton.

— Oui, Monsieur Reed ?

Je sursaute lorsque j'entends la réponse de son assistante et cela n'échappe pas à l'homme énigmatique qui se tient face à moi.

— Je ne souhaite pas être interrompu, ordonne-t-il en m'observant.

— Très bien, Monsieur.

Il s'installe nonchalamment derrière son bureau alors que je suis outrée par son comportement.

— Un s'il vous plaît, suivi d'un merci, n'auraient pas été de trop, je lâche.

Pendant un court instant, ses yeux m'envoient des éclairs, mais à ma grande surprise il enfonce le bouton de nouveau.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant