• CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIX •

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– A –

L'idée que ces vidéos puissent être dévoilés aux médias me paralyse de la tête aux pieds. C'est comme si j'avais plongé la tête la première dans un cauchemar interminable depuis mon retour de Russie. Avant mon départ, je croyais que ma vie était déjà sens dessus dessous, mais cette conviction prend une toute nouvelle dimension aujourd'hui. Les moments que nous avons partagés ne sont plus des souvenirs douloureux, mais des épées suspendues au-dessus de ma tête. Mon souffle se coupe et une angoisse insondable m'envahit alors que je réalise l'ampleur de cette menace qui plane sur nous.

— Angelina...

Hayden esquisse un mouvement pour s'approcher de moi, mais je m'éloigne en tendant le bras comme une barrière invisible entre nous. J'ai besoin d'espace. L'air devient rare, je suffoque. Ma respiration s'accélère et je sens qu'une crise se profile à l'horizon.

— Respire Angelina. Je ne laisserai rien de mal t'arriver.

Ses paroles ne font qu'amplifier le chaos dans ma tête. Le mal est déjà fait, ai-je envie de lui hurler au visage, mais je n'en ai même pas la force.

— Je sais que de l'extérieur, je donne l'impression d'enchaîner les décisions désastreuses quand il s'agit de toi, mais tu dois me croire, c'est la dernière chose au monde que je souhaitais, poursuit-il face à mon silence.

Rien ne veut sortir alors qu'en réalité je sais que je ne peux pas le tenir pour responsable. Après tout, il est également traîné dans la boue, avec bien plus à perdre que moi. Il est à la tête d'un empire, tandis que je ne suis qu'une inconnue au bataillon. J'ai seulement besoin de quelques minutes pour digérer cette révélation en refoulant la multitude de souvenirs qui se bousculent au portillon.

— J'ai conscience que tu me vois comme un menteur qui t'a manipulé depuis le départ, mais je peux t'assurer que je ne laisserai pas Aaron saccager impunément ta réputation. Dis-moi simplement quelque chose, s'il te plaît.

— Je ne te tiens responsable que d'une seule chose, je finis par lui répondre.

— Laquelle ? fait-il en fronçant les sourcils.

— Je t'en veux de ne pas avoir refait intégralement le portrait d'Aaron le jour de ton anniversaire.

Une de ses fossettes se creuse et je ne sais pas si c'est le contrecoup de son baiser rapide, mais j'ai beaucoup de mal à me concentrer sur autre chose.

— Il a une drôle de façon de te remercier d'avoir intercédé en sa faveur.

— Ce n'est pas le premier Reed qui rencontre des difficultés avec les remerciements.

Je hausse les épaules et j'aperçois enfin son autre fossette. Je me souviens parfaitement de la première fois où elles se sont creusées malicieusement sur ses joues. J'aimerais dire que je n'éprouve plus rien en y repensant aujourd'hui, mais je me mentirais à moi-même.

— Une chose me titille néanmoins. Pourquoi des images de nous ? Je veux dire, il pouvait très bien taper là où le bât blesse avec... enfin, tu vois.

— Ce n'est pas un gros mot, tu peux le dire. Pour être honnête, je me suis posé la même question et je n'arrive à trouver qu'une seule réponse plausible. Je pense qu'il avait conscience que le fait qu'il te jette en pâture aux médias m'atteindrait plus que s'il dévoilait ma maladie. Je dois dire que son pari a été gagnant.

Mon stupide cœur bat un peu plus vite et je dois presque me faire violence pour reprendre le cours de la conversation.

— Très bien, mais pourquoi aujourd'hui ? Et pourquoi s'allier à Jamie ? Car si Aaron pouvait se procurer les vidéos de chez toi, pourquoi vouloir les images du Convivium également  ?

BALLERINAOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz