• CHAPITRE SIX •

6.1K 499 48
                                    




— H —

Je ne suis pas agacé, non... je suis littéralement hors de moi. J'ai cherché à faire amende honorable pour l'une des premières fois dans ma vie et le résultat a été désastreux pour mon humeur. Ça m'apprendra ! Je n'ai pas pour habitude de me montrer aussi aimable et voilà ce que je récolte à avoir tenté de l'être avec cette femme. Certes, ce n'est pas moi qui suis allé le choisir et j'ai les fonds nécessaires pour acheter des dizaines d'entreprises d'assemblage de vélos si l'envie m'en prenait, mais je dois dire que son rejet me froisse au plus haut point. Ce n'est pas faute d'avoir essayé de faire réparer le sien, mais il est totalement fichu. J'ai expressément demandé à ce qu'on lui livre ce qui se fait de mieux en ce moment. J'ai fait ce que je croyais être la meilleure des choses, je ne comprends donc pas. Je ne vois pas ce qu'elle attend de plus, mais si elle n'en veut pas je ne lui forcerai pas la main. Pour ma part, j'ai plus de véhicules que de phalanges ainsi qu'un chauffeur qui me conduit où bon me semble.

***

— Dix millions, Logan ! Est-ce que tu comprends ce que cela implique ?

J'essaie de me contrôler, mais mon pouls s'emballe et je vois rouge. Je ne suis pas furieux pour le montant colossal qu'il vient de me faire perdre, mais à cause de ce que cela signifie pour les gens qui travaillent dans cette filiale. Par sa faute, je vais être dans l'obligation de licencier près de cent cinquante personnes.

— Je vais arranger ça. Fais-moi confiance.

— Te faire confiance ? Après ce fiasco ? Tu te fous de moi ? j'explose.

— Je peux rappeler leurs avocats pour discuter de la possibilité d'un nouvel accord.

Je compte lentement dans ma tête en inspirant profondément comme je l'ai appris pendant mes années de thérapie, mais cela ne m'aide pas. J'ai une parfaite connaissance de mon point de rupture et je suis très proche de l'atteindre.

— Dégage de mon bureau ! je rugis.

Une fois seul, j'attrape le dossier qu'il a laissé derrière lui et je le déchire en mille morceaux sans même le lire. Comment a-t-il pu prendre une décision aussi irréfléchie sans m'en informer ? Comment ?

— Putain !

J'ai besoin de me changer d'urgence les idées avant de perdre les commandes au profit du monstre. En dehors de mon entourage très intime, personne n'est au fait de cette facette de mon caractère et ce n'est certainement pas maintenant que je ferai une sortie de route. J'ai travaillé beaucoup trop dur pour cacher mon démon aux yeux de tous et sentir qu'il a envie de se dégourdir un peu les jambes ne m'enchante pas particulièrement. Cela m'effraie même.

Je ne sais pas pourquoi j'ai atterri ici. Puisque, tout bien considéré, c'est elle qui m'a crispé dès le début de ma journée. Je me demande ce qui ne tourne plus rond chez moi alors que je pousse la porte du restaurant. J'ai la désagréable impression d'avoir perdu le contrôle depuis ce matin et j'éprouve un besoin irraisonné de le récupérer. J'ai eu beau me triturer l'esprit sur le sujet pendant le trajet, je ne vois aucun moyen de sauver les employés que je vais devoir congédier. Il me faut une victoire aujourd'hui pour contrebalancer ça et réussir à la faire changer d'avis sur cette histoire absurde de vélo pourrait être la clé. Ce challenge me distraira peut-être assez pour que je ne ressente plus le besoin de remodeler le portrait de Logan. Je n'ai pas pour coutume de déjeuner dans ce type d'établissement. Pire encore, je n'ai tout simplement plus l'habitude d'être entouré d'autant de personnes. Je suis arrivé à un stade où je dois me faire violence pour réussir à me contenir chaque fois que j'y suis contraint. J'ai toujours tout fait pour éviter la foule, car je ne sais jamais quand le monstre décidera de sortir jouer un peu. Avec ma réputation ainsi que la place que j'occupe dans la société, je ne peux pas prendre ce genre de risques qui me mettront à coup sûr dans l'embarras pour les années à venir. J'observe un court instant toutes ces individus qui sont attablés et qui mangent en toute inconscience. Voir à quel point ils ne se soucient guère du monde qui les entoure me trouble. Je n'ai jamais une seconde de repos dans mon quotidien et même si parfois je le supporte difficilement, au fond je sais que c'est le prix à payer pour rester au sommet.

BALLERINAWhere stories live. Discover now