• CHAPITRE QUATRE-VINGT-QUATRE •

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– A –

La porte de la suite s'entrouvre sur un groupe de quatre personnes et Monsieur Bleu Acier ajuste son masque d'homme d'affaires impitoyable avec une rapidité déconcertante. Je constate qu'il ne répond plus seulement au nom de Hayden, mais également à celui de Monsieur Bleu Acier dans mon esprit. Cependant, je choisis de ne pas m'attarder sur ce détail et me concentre sur l'instant présent.

— Maître Yamamoto, fait-il alors que sa main s'élance avec détermination en direction de la femme magnifique qui guide le groupe. Et vous devez être Philippe, je présume ?

Bien qu'il n'ait pas affiché de sourire non plus avec son avocate, la subtile distinction dans son ton est manifeste. Le froncement de sourcils de Philippe révèle clairement qu'il a perçu cette différence.

— Enchanté, Monsieur Reed.

Philippe semble hésiter sur la marche à suivre et reste figé sur le palier. Monsieur Bleu Acier ne lui facilite pas la tâche et maintient un silence pesant.

— Voici Franck, notre responsable de la sécurité ainsi que Maya, la responsable d'équipe.

— Enchanté, Franck, responsable de la sécurité, et Maya, responsable d'équipe, réplique Hayden d'une voix serrée en prenant soin de souligner désobligeamment le statut professionnel de chacun.

— Mademoiselle Reed, me salue le directeur de l'hôtel.

Monsieur Bleu Acier ne se donne même pas la peine de le corriger. Timidement, je tends la main, consciente que ni lui ni ses employés présents n'ont orchestré le photoshoot de ce matin. Monsieur Bleu Acier se retire pour les laisser entrer et lorsqu'il referme la porte derrière eux, je remarque que les jointures de sa main blanchissent sous la pression qu'il exerce sur la poignée. Instinctivement, je pose la mienne dessus, comme il l'a fait un moment plus tôt avec moi. Dans le regard en coin qu'il me jette, il n'y a aucune chaleur, aucune douceur et même si je sais que c'est le masque qu'il a décidé de porter pour cette entrevue, j'en ai des frissons.

Nous nous dirigeons vers le petit salon et prenons place de manière solennelle autour d'une table. Monsieur Bleu Acier se positionne à ma droite, Maître Yamamoto à ma gauche et les représentants de l'hôtel en face de nous. Son avocate se présente et elle m'impressionne d'emblée. Malgré son air sympathique, elle semble prête à en découdre avec le monde entier. Pourtant, ce n'est pas elle, mais son patron qui lance les hostilités sans préambule.

— Je veux un nom.

S'il y a bien une qualité qu'on peut lui reconnaître, c'est celle de savoir entrer directement dans le vif du sujet.

— Monsieur Reed, vous comprenez bien que pour la sécurité de nos employés, nous ne pouvons pas vous dévoiler ce genre d'informations, déclare Franck d'une voix résolue.

— Épargnez-moi vos discours sur la sécurité après ce qui vient de se passer et par-dessus tout, ne me forcez pas à me répéter.

— Les enregistrements ne permettent pas une identification formelle de l'employé en question. Nous ne pouvons pas vous fournir son nom tant que nous ne sommes pas certains à cent pour cent, tente Philippe.

— Et puis même ! Nous ne jetterons pas l'un de nos employés sous un bus ! s'emporte Franck.

Monsieur Bleu Acier reste imperturbable et reprend la parole avec une fermeté accrue.

— Voici Mademoiselle Carter, dont je vous donne volontiers le nom puisqu'il a déjà été jeté sous ce même bus.

Un silence glacial s'installe dans la pièce avant que Franck ne revienne à la charge.

BALLERINAWhere stories live. Discover now