• CHAPITRE SOIXANTE-DIX •

677 80 8
                                    




— A —

À bord de l'avion, je suis submergée par une douleur indomptable, comme une tempête destructrice qui déchire ma poitrine. Depuis le décollage, mes larmes coulent sans que je puisse les arrêter et j'ai la sensation que chaque goutte emporte une part de mon âme avec elle. C'est une douleur si écrasante que ma respiration se brise sous son poids. Les souvenirs déferlent dans mon esprit et prennent une nouvelle signification. Combien de temps a-t-il joué avec moi, manipulant ma vie comme un marionnettiste cruel ? J'ai été tellement naïve de penser que je pourrais apprivoiser un homme tel que lui. Désespérée, je frotte violemment mes manches contre mes joues et je laisse la brûlure sur mon visage prendre le pas sur celle que j'éprouve dans mon cœur.

J'ai laissé un mot succinct aux garçons sur le comptoir, envoyé un mail à Diana et un texto à Kris. À ce moment-là, je ne savais pas précisément où je me dirigeais, je savais seulement que je devais mettre autant de distance que possible entre lui et moi pour m'isoler du chaos émotionnel qu'il a semé. La destination s'est imposée d'elle-même une fois arrivée à l'aéroport. Personne, à l'exception de Kris, ne connaît ce fragment de ma vie, et je lui fais confiance pour garder mon secret.

Les rêves de milliers de gens s'éteignent chaque jour telles des bougies soufflées avec ardeur. En quoi mon sort mérite-t-il d'être différent ? Cette question tourbillonne en moi comme un écho incessant. C'est peut-être parce que j'ai effleuré le mien du bout des doigts que cela est d'autant plus difficile à accepter. Je sais que mes proches ne comprendront pas cette décision, mais je suis seule dans mes chaussures. La peine que j'éprouve me terrasse de l'intérieur et je ne sais pas si je pourrai m'en remettre un jour. Comment faire pour passer outre la douleur ? C'est un rêve que je nourris depuis ma plus tendre enfance, une échappatoire qui était censée être ma destinée. J'ai alimenté ma passion chaque jour, la transformant en obsession, surmontant des échecs, me relevant et continuant inlassablement. Seule face à moi-même, face à ma mère. Elle n'a jamais compris ce rêve, Hayden, quant à lui, a ignoré son importance, l'écrasant impitoyablement entre ses doigts.

***

— Mademoiselle, voulez-vous un plateau-repas ?

Une main froide, pressant doucement mon avant-bras, me tire brutalement de ma léthargie. Je cligne des yeux pour m'habituer à la lumière crue des spots artificiels suspendus au-dessus de moi. Il me faut quelques instants pour réorienter mes pensées, pour me rappeler où je suis et surtout pourquoi je me trouve ici, à bord de cet avion. La douleur me poignarde de nouveau et les souvenirs me submergent, percutant mon esprit comme un cauchemar sans fin. Je ravale difficilement les larmes qui menacent de s'échapper.

— Mademoiselle ? répète l'hôtesse avec un sourire chaleureux.

Je n'ai pas la force de lui répondre de la même manière. Je me contente de hocher négativement de la tête et je m'enfonce davantage dans mon siège en priant pour que ces prochaines heures s'écoulent rapidement. Les somnifères que j'ai pris sont peut-être une mauvaise idée dans mon état, mais ma peur viscérale de l'avion et le mal de l'air l'emportent sur l'impact probable de ces médicaments.

***

Mon corps est secoué contre mon gré, comme une poupée malmenée par des forces invisibles. L'exclamation d'une hôtesse emplit la cabine lorsque j'ouvre les yeux.

— Bonté divine ! soupire-t-elle.

Je me redresse brusquement sur mon siège, percutant au passage le hublot avec ma tête.

BALLERINAWhere stories live. Discover now