• CHAPITRE QUATRE-VINGT-CINQ •

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– A –

Le réveil est brutal et je frotte machinalement mon arcade sourcilière en replongeant dans la réalité après un drôle de cauchemar.

— Bien reposée ?

Sursautant légèrement à cause de la proximité de sa voix, je découvre Hayden installé sur le lit à mes côtés. Son dos repose sur le cadre et ses jambes sont croisées, mais l'ordinateur qu'il a en main me confirme qu'il n'est pas là pour se détendre. Cette suite est vaste, il aurait pu choisir n'importe quel endroit pour y travailler, mais bien évidemment c'est ici qu'il a décidé de le faire. J'ai compris depuis longtemps que tenter de sonder les profondeurs de son esprit relevait de l'utopie et d'une perte de temps manifeste. Je n'essaie donc pas de comprendre ce qui a motivé ce choix.

— Quelle heure est-il ?

— Dix-sept heures, répond-il sans lever les yeux de son écran.

— Quoi ? je m'écrie en repoussant l'immense couverture.

Je suis percutée de plein fouet par un souvenir et lorsque je jette un regard en coin à Monsieur bleu acier, je devine à la crispation de sa mâchoire qu'il s'est lui aussi retrouvé en un claquement de doigts un dimanche sept heures du matin dans sa chambre. Je me racle la gorge et je reprends le contrôle de mes bras qui s'agitaient frénétiquement un moment plus tôt.

— Pourquoi m'as-tu laissé dormir si longtemps ?

— Tu en avais besoin, répond-il sobrement.

J'attrape mon téléphone, mais il est éteint.

— Il n'arrêtait pas de vibrer, explique-t-il, les yeux toujours rivés sur son écran.

— Et ?

— Et je n'arrivais pas à me concentrer.

— Tu aurais pu aller ailleurs.

— J'aurais effectivement pu.

Je ne sais pas quelle mouche l'a piqué, mais elle a dû pomper la dernière goutte de sang irriguant son cerveau. Je me lève en rejetant sur lui ce qui m'encombre et je me dirige vers la salle de bains en emportant mon téléphone qui se rallume enfin.

— Angy ! souffle Evan dès la première sonnerie.

— Salut.

— Tu devais me rappeler une fois en lieu sûr.

— Je... je suis désolée. Tout s'est enchaîné si vite. Je n'arrive même pas à comprendre.

— Raconte-moi ce qui ne va pas alors.

— Je...

Je n'ai aucune idée de la façon dont je dois aborder la question, mais je sais que je ne peux pas continuer à lui cacher toutes ces choses, surtout avec la situation actuelle. Ce n'est pas le genre de magazine qui l'intéresse habituellement, mais je préfère qu'il l'entende de ma bouche. Je me lance donc, de la manière la plus concise possible, dans une explication.

Je suis confrontée à un moment de silence de sa part avant qu'il n'articule d'une voix calme.

— Je ne sais pas quoi te dire.

L'intonation de sa voix est teintée d'une certaine déception qui me serre le cœur.

— Pourquoi ne m'as-tu rien dit hier soir ? poursuit-il.

Un soupir de soulagement m'échappe. J'aurais dû me douter qu'il ne me jugerait pas. Mieux encore, j'aurais dû pressentir qu'il me soutiendrait malgré tout. J'en conclus que la déception que j'ai perçue est liée à la situation elle-même, pas à mon comportement.

BALLERINAWhere stories live. Discover now