• CHAPITRE VINGT-QUATRE •

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— A —

Je le suis docilement dans les escaliers alors que toute envie d'en découdre me déserte. Comment font les boxeurs pour supporter ce genre de douleur au quotidien ? Un seul coup dans le visage et j'ai la tête dans le coton depuis ce qui semble une éternité. Je récupère mes affaires dans le vestiaire sous les regards inquisiteurs de mes collègues et je n'ose pas imaginer ce qui doit déjà se dire derrière mon dos. Je sais que ce sera bien pire au moment où je quitterai le Convivium à son bras, mais j'aviserai en temps voulu, car pour l'instant je n'ai pas la force de m'en inquiéter. La seule chose qui m'importe maintenant c'est de partir au plus vite. J'ai envie de fondre en larmes sans trop savoir pourquoi alors que je devrais plutôt exulter à l'idée que le nez de Jamie soit en charpie à l'heure qu'il est. Au lieu de ça, je rejoue en boucle notre altercation dans ma tête au point que cela en devient presque malsain.

Une fois à l'extérieur, je suis soulagée de voir que son chauffeur est déjà là. Galamment, Monsieur bleu acier m'ouvre la portière et attend que je m'installe avant de la refermer et de faire le tour pour me rejoindre. Je suis tellement à bout de forces que je ferme les yeux un instant pour recharger un peu mes batteries.

— Angelina ? souffle doucement Monsieur bleu acier. Nous sommes arrivés.

Je me redresse vivement sur mon siège et je réalise que la voiture est effectivement à l'arrêt dans un parking.

— Déjà ?

Ma sensibilité à la lumière et ma voix ensommeillée témoignent du fait que j'ai dormi bien plus longtemps que quelques minutes.

— Bonne année, lâche-t-il avant de quitter souplement le véhicule.

Quelle drôle de façon d'entamer une nouvelle année... Je n'accorde pas de grande importance au fait de ne pas avoir célébré ce réveillon en grande pompe, mais cette soirée atroce commence à avoir raison de mon humeur.

— Tout va bien ? demande-t-il en ouvrant ma portière.

— Oui.

— Il est inutile de me mentir, tu sais. Tes émotions sont inscrites à l'encre rouge sur ton visage.

Je m'extirpe de la voiture et passe devant lui sans prendre le temps de lui répondre. Je n'ai peut-être pas la force de me battre, mais je ne compte pas non plus m'effondrer telle une petite chose fragile dans ses bras. Alors qu'il glisse une main chaude dans le bas de mon dos, je perds l'équilibre et trébuche. Tu parles d'une danseuse! Je peste intérieurement.

— Ah oui... le consentement, murmure-t-il.

— La fatigue ! je riposte.

Mes émotions sont à tel point exacerbées que je dois m'armer de toute la volonté que j'ai en réserve pour ne pas lui en décoller une à la vue de son sourire narquois. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent et je fais en sorte de garder une distance acceptable entre nous tandis que je m'y engouffre. Le reflet que je croise dans le miroir au passage n'est pas très flatteur. Ma lèvre a doublé de volume et l'état vaseux dans lequel je me trouve me donne un air si las que l'on pourrait croire que je dors actuellement les yeux grands ouverts. J'espère ne pas garder de marque sur mon visage... la dernière chose que je souhaite, c'est de penser à Jamie tous les matins en me préparant.
Une fois à son étage, il m'invite à quitter la cabine en premier et alors que je m'engage dans son couloir je réalise que sa présence dans mon dos m'embarrasse étrangement. Je dois être la seule à ressentir cette gêne puisqu'il ne fait rien pour la dissiper et se contente de me demander ma veste. J'obtempère tout en réfléchissant à la raison de ma venue ici. Pourquoi ai-je accepté de le suivre ? Je devrais plutôt me trouver sous la couette dans mon lit avec une poche de glace sur le visage.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant