• CHAPITRE VINGT-CINQ •

1.3K 111 16
                                    




— H —

Je retiens de justesse le monstre avant qu'il ne montre les crocs. Après les hauts et les bas de cette soirée, je ne suis pas certain de pouvoir le contrôler assez longtemps.

— Que fais-tu ici ?

Ma voix est aussi tranchante qu'une lame et chacun des mots que je prononce me coûte.

— Compte tenu du fait que tu as refusé toutes mes invitations les années passées pour fêter avec moi le réveillon, je ne pensais pas que tu serais accompagné.

J'essaie d'inspirer profondément, mais ma poitrine est tellement comprimée que c'est plus douloureux qu'autre chose.

— Que. Fais. Tu. Ici ?

Mes mâchoires sont si contractées qu'elles me font un mal de chien et le sang-froid dont je fais preuve commence à être une vraie torture.

— Je ne voulais pas que tu sois seul ce soir.

Je ne trouve même pas en moi la force de faire semblant de rire. Il est plus de minuit passé et elle ose mentir en utilisant une excuse aussi dénuée de sens que celle-ci.

— Stella, je vais prétendre l'espace d'un instant que tu n'es pas aussi perfide que tu l'es réellement et je vais répéter ma question afin que tu prennes le temps nécessaire de réfléchir à la bonne réponse. Que fais-tu ici ?

— Il fut un temps où j'étais la bienvenue à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. 

— Ce temps est révolu.

— Piétiner les sentiments des gens t'est peut-être égal, mais que ça te plaise ou non tu ne peux pas rayer tout le monde de ton existence d'un coup de crayon ! s'emporte-t-elle.

— Va-t'en, je rétorque entre mes dents.

Ce n'est pas un conseil, c'est une menace et Stella est tout sauf idiote. Elle sait quand il est préférable pour elle de se retirer et j'espère qu'elle...

— Non !

Elle est probablement idiote après tout.

— Ne me pousse pas à bout.

— Je suis venue pour te parler.

— Ah bon ? Et non pour passer la soirée avec moi afin que je ne reste pas seule ?

— Hady, soupire-t-elle. Pourquoi compliques-tu ainsi les choses ? Depuis quand la discussion entre nous est-elle aussi fermée ?

— Depuis que tu m'as trahi, je rétorque froidement.

Je n'éprouve pas le moindre remords devant sa mine chagrinée. Elle s'est mise dans cette situation toute seule en faisant les mauvais choix. La douleur qu'elle ressent aujourd'hui face au prix qu'elle paie ne me touche pas le moins du monde. Je mettrais même ma main à couper qu'elle joue la comédie afin d'atteindre son but réel. Je ne tomberai pas deux fois dans le panneau.

— Hady... je t'en prie. Ce n'est pas du tout ce que tu crois et si tu m'accordes une chance de t'expliquer je suis certaine que...

Je me détourne sans un mot de plus et je l'abandonne là sans lui laisser le loisir de terminer sa phrase. Mon cœur est sourd depuis des années déjà. Cela n'est donc pas utile de nous faire perdre un temps considérable à tous les deux. 

***

La température glaciale de la douche n'apaise en rien ma colère. Je suis gelé de la tête aux pieds et j'ai pourtant l'impression de me noyer dans un torrent de lave en fusion. La trahison est une sensation qui m'a laissé un goût particulièrement amer en bouche. Une saveur qui empoisonne jour et nuit la moindre de mes pensées et cela m'épuise. Je suis épuisé de devoir me battre contre moi-même. Épuisé d'être l'esclave de mes propres pensées. Épuisé de me tenir sans arrêt sur le qui-vive. Épuisé d'être le méchant de l'histoire. De quel droit suis-je le seul dont les sentiments peuvent être impunément piétinés ? J'essaie d'enfouir au plus profond de moi cette nouvelle vague de colère avant qu'elle ne balaie tout sur son passage et je résiste au chant provocateur de l'armoire à pharmacie qui m'appelle telle une sirène. La dernière chose que je souhaite ce soir, c'est de m'abrutir de cachets. J'emprisonne mon crâne entre mes mains et je serre aussi fort que possible pour étouffer le monstre. Je le comprime au point d'en avoir mal physiquement. J'ai beau le supplier chaque jour de me laisser respirer, il n'en a que faire et me nargue vicieusement avec le pouvoir qu'il a sur moi. Il fut un temps où je pensais encore pouvoir prendre le dessus, mais plus les années passent et plus je me rends compte que je me berçais d'illusions et c'est peut-être épouvantable, mais bien souvent je trouve cela reposant de m'en remettre à lui. Il a le dos assez large pour supporter toute cette merde qu'on lui envoie au visage. Hayden, lui, n'a simplement plus la patience...

BALLERINADove le storie prendono vita. Scoprilo ora